
Pour Stéphane Lebecq (Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, deux vol., Lille 1983), ces migrants partaient par petits groupes sans doute et sur des bateaux rudimentaires qui n'étaient mus qu'à la rame. Et pourquoi pas des communautés villageoise autour de leur chef. En tout cas c'est ce qui ressort de la lecture des auteurs anciens :
- depuis Tacite, qui souligne l'absence de gréement et la parfaite symétrie longitudinale des anciens bateaux scandinaves ( Germania, c.44 ), jusqu'au poète gallo-romain du Ve siècle Sidoine Apollinaire, qui présente les pirates saxons comme des remiges, c'est-à-dire des rameurs ( Epistolae, VIII 6, 13 ), ou à l'historien grec du 6ème siècle, Procope, qui dit des Germains du continent comme des Germains insulaires qu'ils naviguent par le seul usage des rames ( Histoire des guerres, VIII 20 ).
- Gildas ( XIII 3 ) donne le nom que les Saxons donnaient à leurs navires longs ( longae naves ) : c'étaient des cyul (ae) ( mot derrière lequel on aperçoit le mot vieil anglais ceol, qui allait donner en anglais moderne keel, quille ).
L'archéologie nous donne une idée plus précise de ce qu'étaient ces navires, entre 400 et 600 après J.-C. :
- Le bateau de Nydam, trouvé en 1864, sur la côte baltique de Sonderjylland, est le seul navire parfaitement conservé datant de l'époque des migrations barbares. Voici la description que nous en donne Iaroslav Lebedynsky (Armes et guerriers barbares, Errance, Paris, 2001) : la coque en madriers de chênes est longue de 23 mètres sur 3,2 mètres, calfatée avec de la mousse. C'est une grande barque construite à clin avec cinq virures rivetées par des clous de fer. Elle était équipée de 15 paires de rames et ne comportait pas de mât. Cette description ressemble à celle de Tacite. C'était un navire de guerre en état de naviguer, armé pour la traversée de la mer du Nord et pour la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, comme le dit l'archéologue Flemming Rieck (Jernalderkrigernes skibe. Nye og gamle udgravninger i Nydam Mose, Roskilde, 1994).
- Un autre navire souligne l'importance de cette découverte : Le navire de la tombe royale de Sutton Hoo, près de Woodbridge ( Suffolk, Royaume-Uni ), datant du début du 7ème siècle, long d'environ vingt-sept mètres, il était bordé à clin et se trouvait dépourvu de pont. La coque avait été renforcée de vingt-sept couples, posées après la mise en forme. Aucun vestige de la mâture ne put être trouvé, pas même une quelconque emplanture. Sa taille laisse à penser qu'il devait avoir une voile. Emilienne Demougeot, rappelle que la voile n'apparaît en Norvège méridionale que vers 600, avec le bateau exhumé à Kvalsund (La Formation de l'Europe et les invasions barbares, vol. III, t. 2 : De l'avènement de Dioclétien (284) à l'occupation germanique de l'Empire, Paris, Aubier, coll. «Collection historique», 1979).
Après avoir vu ces exemples de navires, que nous faut-il de plus ? Il nous faut un bon guide pour que la traversée soit plus courte. La majorité des voyages de Basse-Saxe en Bretagne dut se faire en longeant les côtes au plus près, avec des étapes en Frise et sans doute en Flandre ou en Boulonnais, près du détroit. La découverte de deux petits lingots dans le navire de Sutton Hoo semble être le prix à payer pour la traversée : un pour le timonier et l'autre pour le pilote (Iaroslav Lebedynsky (Armes et guerriers barbares, Errance, Paris, 2001).
C'est donc sur de tels esquifs, susceptibles d'emmener une petite communauté villageoise, que ces groupes de migrants ont débarqué en Bretagne, tantôt accueillis par le pouvoir en place, tantôt s'installant de façon empirique sur les côtes en bordure des estuaires, dans tous les cas utilisant à terme ces premières bases comme points d'appui pou un début d'expansion à l'intérieur des terres aux dépens des populations préexistantes ((Iaroslav Lebedynsky, Armes et guerriers barbares, Errance, Paris, 2001).
J'espère avoir été instructif. La prochaine fois, nous verrons dans un prochain article, les premiers établissements anglo-saxons.
Merci !
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