Je vais vous parler de la plus grosse surprise de la coupe du monde 1966, la défaite de l'Italie face à la Corée du Nord. Au niveau de la stupeur ce match est équivalent avec la défaite du Brésil face à l'Uruguay durant sa finale en 1950.
Après s'être qualifiée dans des conditions particulières, la Corée du Nord posa un problème diplomatique au pays organisateur : en effet, depuis la guerre de Corée, l'Angleterre n'a toujours pas reconnu la légitimité du gouvernement nord-coréen et ne peut par exemple pas faire flotter son drapeau. Le problème s'arrange finalement.
Dans le groupe 4, où on retrouve l'URSS, l'Italie et le Chili, les coréens doivent finir bons derniers. Le tournoi débute par une défaite cinglante (0-3) contre les Soviétiques qui semble confirmer cela. Le jeu des ''Moustiques rouges'', basé sur un pressing infernal, un jeu de passes courtes et des dribbles diaboliques, se montre efficace dès la deuxième rencontre, contre le Chili quand, à la dernière minute, Pak Seung-Jin claque une volée qui leur offre le point du nul (1-1). Ce match nul leur laisse un mince espoir. Le troisième et dernier match de poule des Chollima sera leur chef d'oeuvre et une des plus grosses surprises de la Coupe du monde. C'est la grande Italie qui se dresse face à eux. Grande favorite de la compétition, il lui faut un match nul pour sortir de cette poule.
Nombreux sont les Italiens devant leur poste de télévision tandis qu'en Corée, des millions de personnes écoutent à 3h du matin la retransmission à la radio. Le tournant du match se situe à la 34e minute, lorsque le meneur de jeu italien, Bulgarelli se blesse et quitte ses coéquipiers. Contraints de poursuivre la rencontre à 10, conformément au règlement qui ne prévoit pas de remplacement, les Italiens sont désorganisés et cèdent peu à peu du terrain à l'équipe coréenne "complètement électrisée", selon la formule du commentateur anglais. Dans ces circonstances, Pak Doo-Ik ouvre le score à la 41e minute par un tir soudain déclenché à une quinzaine de mètres du but italien. En dépit de leurs efforts et de multiples occasions, les Italiens ne parviennent pas à égaliser en deuxième mi-temps. Organisés militairement, enthousiaste et soutenu par toute la ville de Middlesbrough, les coréens ne seront pas rejoins et accèdent aux quarts de finale. La Corée du Nord se qualifie pour le second tour à la surprise générale. Le contraste entre les Italiens rentrant au vestiaire têtes basses et la liesse des Coréens du Nord est saisissant. Ce match est pour la presse anglaise “le plus grand choc de l'histoire de la Coupe du Monde”.
Parallèlement, le public se met à s'intéresser à ces joueurs disciplinés venus d'un pays fermé, qui par leur stratégie tiennent tête aux favoris. Ils sont acclamés par les habitants de la ville de Middlesbrough, où ils sont logés, notamment les joueurs vedettes de l'équipe Pak Seung-jin et Pak Doo-ik.
Du côté transalpin, cette défaite est vécue comme une "catastrophe". Les joueurs sont accueillis à l'aéroport de Gênes par des insultes et des jets de tomates. Le sélectionneur, Edmondo Fabbri, est en particulier accusé d'avoir abandonné la tactique du catenaccio : c'est l'ensemble du modèle italien en matière de football qui est remis en cause. Pour le Giorno : "c'est la plus grande honte de notre histoire, non seulement celle du football, mais aussi celle du sport transalpin tout entier". Mais, plus encore, cette défaite touche à l'orgueil national et reste à jamais marquée dans la mémoire du pays au même niveau que les débâcles militaires d'Adoua subie en 1896 face aux troupes éthiopiennes ou de Caporetto en 1917. L'expression "c'est la Corée" devient d'ailleurs une formule langagière sarcastique par laquelle il est fait allusion à un revers subi dans des conditions initialement avantageuses.
Du côté coréen, la victoire prend des allures de revanche dans la confrontation idéologique entre l'Est et l'Ouest dont le pays est le théâtre depuis la guerre et la partition de la péninsule. 3 000 fans de Middlesbrough les suivent jusqu'à Liverpool pour soutenir ces Reds qui les font penser à leur équipe de club. Euphoriques, les coréens font chavirer leurs fans en menant 3-0 après 25 minutes de jeu (buts de Pak Seung-jin, de Yang Seung-kook et de Lee Dong-woon). Mais enivrés par leur réussite, ils perdent leur belle discipline. Les portugais reviennent dans le sillage d'Eusebio, auteur d'un quadruplé, et s'imposent finalement 5-3. Les joueurs nord coréens sont érigés au rang de héros de la nation et portés en triomphe à leur retour. Kim Il-sung fait de la victoire de son équipe et des manifestations de sympathie qu'elle a suscitées en Angleterre une source supplémentaire de légitimation d'un des régimes totalitaires les plus radicaux au monde. La coupe du monde 1966, la seule à laquelle ait participé la Corée du Nord, et plus particulièrement le match contre l'Italie ont donc constitué une des rares occasions pour ce pays de sortir de sa mystérieuse opacité et de se présenter au monde entier sous un jour rayonnant et attachant.
J'espère vous avoir fait découvrir cet événement.
Merci!
nadoux38, Posté le mercredi 30 juin 2010 12:04
genial cet article
bisous