
Né à Canale d'Agordo, dans la province de Belluno, Alberto Luciani est issu d'une famille modeste de l'Italie du Nord. Son père, verrier, est de tendance socialiste alors que sa mère est une fervente catholique. Elle encourage la vocation de son fils qui souhaite entrer dans les ordres. Le jeune garçon rejoint donc le petit séminaire de Feltre, puis le grand séminaire de Belluno. Très bon élève, il obtient par la suite un doctorat de théologie à l'université grégorienne de Rome. En 1935, il est ordonné prêtre et devient vicaire dans sa ville natale. Il enseigne la théologie dogmatique au séminaire de Belluno, où il devient vice-président en 1937. Ses paroissiens se souviennent de lui comme d'un homme dont la foi simple et la bonté avaient des vertus apaisantes.
En 1958, il est consacré évêque de Vittorio Veneto par Jean XXIII. Albino Luciani est un homme en avance sur son temps. Il instaure une sorte de démocratie dans son diocèse en faisant élire au lieu de désigner arbitrairement comme les autres évêques, les membres du conseil diocésain. D'un anti marxisme sans faille, opposé au divorce, il pense tout de même que le concile Vatican II devrait porter l'Évangile au XXe siècle. Paul VI lui demande une relation sur l'attitude à tenir vis-à-vis de la contraception. Albino Luciani connaît les difficultés de certains couples catholiques face à ce problème. Il s'exprime en faveur du contrôle des naissances.

Le 15 décembre 1969, il devient le patriarche-évêque de Venise. Trois ans plus tard, il prit la vice-présidence de la Confédération épiscopale italienne. Quatre ans plus tard, il est élevé à la pourpre cardinalice, en mars 1973, par Paul VI. Mais il continue à refuser les splendeurs de sa charge. "Je suis venu au monde sans rien, je repartirai sans rien", dit-il. Il délaisse le somptueux à moteur qui lui est attribué d'office, optant pour le vaporetto... ou la barque des pompiers en cas d'urgence. Il néglige les fastes de la Venise mondaine, préférant s'occuper des ouvriers et des handicapés. Il circule dans les rues parmi les gens, comme n'importe qui, il dit bonjour à tout le monde, il est toujours disponible. Il était considéré comme un habile communicateur et écrivain, et a laissé quelques écrits. En tant que patriarche de Venise il écrivait des lettres fictives à des célébrités. Ces lettres furent publiées sous forme de livre en 1976 et constituent maintenant son "testament spirituel", parce qu'elles révèlent d'une façon vivante et nette sa personnalité et son message.

En ces temps troublés, l'Eglise a besoin d'un pape qui soit un pasteur avant tout. Voici donc installé sur le trône de saint Pierre un homme dont le profil est celui d'un curé de campagne, un humble, un fils d'ouvrier, enfant de famille nombreuse et qui a su rester toute sa vie fidèle à ses origines. Ce n'est pas pour échapper à sa condition qu'il était devenu prêtre, mais pour se mettre au service de ceux qui la partageaient.
En signe de reconnaissance à l'égard de ses deux prédécesseurs, le nouvel évêque de Rome décide de s'appeler Jean-Paul. Un nom nouveau pour un pape, qui plus est composé, une première. Au préfet de la Maison pontificale, Mgr Martin, un Français, il demande "comment faire pour faire le pape, car j'ai fait le catéchisme aux enfants toute ma vie. Quel changement !"

Dans son premier discours, prononcé 24 heures après son élection, Jean-Paul 1er évoque sa future ligne de conduite. Il suivra les enseignements de Vatican II. Il veillera au partage du pouvoir avec les évêques. Enfin, il veut ramener l'Église à sa simplicité originelle.
Jean-Paul 1er impose immédiatement des changements dans la vie quotidienne du Vatican. Il transforme la fastueuse messe de couronnement en une messe ordinaire et en refusant la "sedia gestatoria", la chaise à porteurs, et en n'endossant pas la traditionnelle mitre ornée de pierres précieuses. La semaine suivante, les pressions de la curie l'obligent à utiliser tout de même la chaise à porteur. Mais Jean-Paul 1er transforme la rigide audience du mercredi en un dialogue, n'hésitant pas à faire monter un enfant sur l'estrade de la salle Nervi. Dans ses discours, il raconte des histoires et des anecdotes chaleureuses et instructives, trouve des mots simples mais réfléchis, et immédiatement parlants. Il est également le premier pape à parler au singulier, en utilisant "je" au lieu du "nous" royal, même si les documents officiels de ses discours ont été souvent réécrit dans un style plus formel par des aides traditionalistes, qui a rétabli le nous royal dans les communiqués de presse et dans L'Osservatore Romano. Jean-Paul 1er rappelle que le premier devoir de l'Église est d'annoncer l'Évangile. Il reçoit une femme à sa table, se promène seul dans les innombrables pièces du palais pontifical, s'adresse au garde suisse en faction et répond même au téléphone. Le Métropolite Nikodim de Leningrad, qui était présent lors de son installation, s'est effondré et est mort lors de la cérémonie, et le nouveau pape a prié sur lui. Une série de détails qui bouleversent pourtant le très rigide protocole du Vatican.
Jean Paul 1er va plus loin. La visite de Jorge Rafael Videla, président de la junte argentine, au Vatican, a suscité une controverse considérable, surtout quand le Pape a rappelé à Videla les violations des droits de l'homme qui ont lieu en Argentine au cours de la soi-disant "sale guerre". Il fait preuve d'une certaine douceur sur la question du contrôle des naissances et la contraception, même quelques heures après que le sujet ait donné lieu à une conférence des Nations Unies sur la question de la surpopulation, qui ont fait l'objet d'une plainte par l'Osservatore Romano, qui n'a pas publier les commentaires du Pape. Depuis l'époque du Concile Vatican II (auquel il a participé en tant que membre de la Grande chambre sur les questions de la famille et du contrôle des naissances), Luciani avait montré des idées progressistes sur la contraception au lieu de parler de "paternité responsable" tout en plaçant certaines conditions sur l'utilisation des contraceptifs.
Jean-Paul Ier, (bien sûr le titre de l'encyclique qu'il voulait écrire : "Les pauvres et la pauvreté dans le monde"), s'est révélé très sensible à "la question de la pauvreté dans le Sud, en soulignant l'opulence inutile du monde occidental", en épargnant l'Eglise elle-même, qui voulait la rapprocher de sa devise, "humilitas". Il a également parlé de la question sociale, de l'importance de donner un "juste salaire" pour les travailleurs.

A la Curie, le gouvernement de l'Eglise catholique est évoquée une "théologie à la petite semaine". Dans des discours, Jean-Paul 1er a parlé de Pinocchio, de Dieu comme d'une maman... Ces attaques viennent surtout d'une partie conservatrice de la curie qui fit tout pour contrer le pape. Par exemple en le censurant dans l'Osservatore Romano, le quotidien du Saint-Siège. Quoi qu´il en soit, le Pape Luciani sait qu´il va affronter des ennemis tout-puissants. À plusieurs reprises, il affirme que son pontificat va être court, et qu´il connaît déjà le nom de son successeur. À certains moments, il l´appelle “l´étranger”, à d´autres “celui qui était assis en-face de moi au conclave”. C´est à dire Wojtyla. Jean Paul Ier savait-il, avant même de mourir et avant même le conclave, le nom de son successeur. Parce que Jean Paul II était le favori de la Curie, dont le désir était de récupérer le contrôle du pouvoir. Ce n´est pas en vain que les membres de la Curie disaient: “nous avons perdu trois conclaves, (ceux de Jean XXX, Paul VI, et celui de Jean Paul I), mais pas le quatrième”.

Malade depuis l'enfance, le nouveau pape est aussi accablé par sa charge et submergé par la fatigue. Pourtant avant sa mort, il était en parfaite santé. D'ailleurs avant d'aller au conclave et la veille de sa mort, il avait fait un bilan médical qui le dira en parfaite santé. Le 29 septembre au matin, son corps est découvert à terre dans ses appartements. Le n°2 du Vatican, le cardinal Villot, diffuse la version officielle : le pape est mort pendant son sommeil dans son lit. Aucune autopsie n'est pratiquée et le corps est embaumé. La cause du décès, crise d'urémie ou infarctus, ne sera jamais élucidée. Ce pontificat aura duré trente-trois jours.
Aussitôt, des rumeurs se propagent. Jean-Paul 1er a été empoisonné. Pêle-mêle sont mis en cause le cardinal Villot, ce qui est ridicule car une profonde amitié s'est épanouit entre lui et Jean-Paul 1er : "J'ai vécu auprès du pape Jean-Paul une expérience ecclésiale unique, d'affection et de confiance", mais cela ne dure que 33 jours, Mgr Marcinkus, qui dirige la banque du Vatican, dont Jean-Paul 1er voulait redistribuer l'argent et avec lequel il avait une forte hostilité, mais je ne pense pas qu'il voulait l'enlever, il voulait le garder à l'oeil à cause de sa manière de conduire les finances vaticanes, la Mafia et la Loge P2.
Vingt ans après sa mort, Mgr Lorscheider, un cardinal brésilien, observa : "Les gens simples savent reconnaître et oublient difficilement ceux qui se tournent vers eux avec l'amour, avec l'affection d'un bon père. Ce pontificat a été comme une bouffée d'oxygène pour la vie de l'Eglise, comme l'aube d'une journée lumineuse".
J'espère avoir été instructif.
Merci !
Partage