
Pie XII a été pape (1938-58) à l'une des époques les plus difficiles de la papauté, au cours de la seconde guerre mondiale, alors que Rome était sous la domination de Mussolini et ensuite occupée par l'Allemagne. L'évaluation par ses contemporains de son pontificat pendant la seconde guerre mondiale a été plutôt positive.Pie XII n'était pas un homme aux gestes prophétiques; c'était un diplomate et il a décidé de ne pas se taire mais d'être modéré dans ses déclarations publiques parce qu'il savait que des paroles plus fortes n'amélioreraient absolument rien ; au contraire, elles auraient provoqué une vengeance brutale et empiré la situation. Il décida par conséquent non pas d'agir par des paroles, mais d'aider pratiquement le plus qu'il le pouvait. C'est dommage, mais Pie XII n'était pas Pie XI prompt à la colère et aux gestes forts.
Tout, dans le parcours d'Eugenio Pacelli, même devenu Pie XII, le prédisposait davantage à la discrétion qu'à l'éclat. Petit-fils du fondateur de L'Osservatore Romano, il naît le 2 mars 1876 à deux pas du Vatican. Entré au séminaire à 18 ans, il devient un juriste réputé, vite recruté par la Secrétairerie d'État sous Léon XIII.
Quand il est élu pape, Pie XII est en effet un diplomate disposant d'une longue expérience. Pendant la Première guerre mondiale, Eugenio Pacelli joue un rôle important pour rapprocher les belligérants et tenter d'obtenir, sans succès, une paix sans vainqueur ni vaincu. Il est ensuite nonce à Munich et à Berlin (1917-1929). Il parle donc l'allemand et connaît très bien le monde germanique. Il est surtout le témoin de la montée du nazisme -il est en poste à Munich lors du putsch d'Hitler en 1923. Les rapports qu'il envoie au Vatican lors de cette période sont très violents contre le nazisme. Lorsqu'il revient à Rome pour être secrétaire d'Etat du Saint-Siège, l'équivalent d'un Premier ministre, il est confronté à l'arrivée des nazis et d'Hitler au pouvoir. Il faut être clair : Pie XII n'avait aucune sympathie pour Hitler, et le régime nazi. Il était très lucide, et a fortement soutenu les opposants allemands au régime nazi auprès de la Grande-Bretagne, en 1939-1940.
Eugenio Pacelli joue la négociation plutôt que la confrontation. En mars 1933, deux mois après la victoire d'Hitler aux élections, il signe un concordat pour protéger l'Eglise catholique, menacée par le nouveau régime. Mais il sait aussi être très ferme. En 1937, il tape du poing sur la table en étant le principal auteur de l'Encyclique Mit bennender Sorge, que l'on peut traduire par "avec une très grande inquiétude". C'est une position forte contre le nazisme. Nous ne sommes alors plus dans la diplomatie. Aussitôt l'encyclique parue, les nazis arrêtèrent dans les Länder catholiques du sud de l'Allemagne près de 1 100 religieux et prêtres. Ils dévastèrent les évêchés de Munich, de Fribourg et de Rottenburg, avant de dissoudre les organisations catholiques et de proscrire l'enseignement catholique dans le Reich. Jusqu'en 1939, il cherche avec Berlin un accord préservant les catholiques allemands.

Fin 1939-début 1940, Pie XII a, de fait, participé indirectement à un complot visant à tuer Hitler. Il a en effet été contacté par la résistance allemande, qui lui demandait de servir de relais avec l'Angleterre en transmettant la question suivante à Londres : quel serait le sort de l'Allemagne si Hitler mourrait ? Mais Churchill n'a pas donné suite. En janvier 1940, dénonçant la "barbarie" nazie en Pologne, Radio Vatican affirme que "les Allemands usent des mêmes moyens, et peut-être encore pires, que les Soviétiques eux-mêmes". Le 6 mai 1940, alerté par des Allemands antinazis, Pie XII fait prévenir les Alliés de l'imminence de l'offensive allemande sur le front occidental. À l'ambassadeur de France Léon Bérard, nommé par Vichy, Pie XII confia : "Je redoute Hitler plus que Staline."
En 1940, suite à l'invasion de la Belgique, du Luxembourg et de la Hollande par l'Allemagne, Pie XII envoie trois télégrammes aux différents chefs d'Etat, qui, rendus publics, provoquent la colère de l'Allemagne et de l'Italie. Une autre fois, il informe secrètement Londres et Paris de la date et du lieu de l'offensive des Ardennes. Il n'est pas pris au sérieux. Alors, il s'efforce de retarder le plus possible l'entrée en guerre de l'Italie.
En 1941, Pie XII a d'ailleurs fait connaître aux évêques allemands Mgr von Preysing et Mgr von Galen son approbation de leur dénonciation de l'euthanasie pratiquée dans l'Allemagne nazie. Ces deux prélats seront faits cardinaux par Pie XII en 1945.
Très vite, grâce au relais de ses nonciatures dans les pays de l'Est, premiers pays envahis par Hitler, et par les nombreuses congrégations religieuses. Pie XII est rapidement informé personnellement des massacres. Un aumônier de l'armée italienne, qu'il connait très bien, lui raconte par exemple la "Shoah par balles". Les nouvelles sur les déportations arrivent également rapidement. Le Vatican n'en connaît pas forcément tous les détails, mais il sait que les nazis massacrent les Juifs. A l'époque, les Alliés en sont au même point, ni plus ni moins.
Ce supposé "silence" est à la fois vrai et pas vrai. Il a bien pris position et s'est exprimé sur le massacre des Juifs, mais de manière peu claire
A Noël 1942, dans un discours relayé par la radio, il utilise le mot italien "stirpe", que l'on peut traduire par la "race", au sens très fort du terme. Cela fait bien sûr référence aux Juifs. Mais comme le fait alors remarquer un diplomate américain, c'est incompréhensible pour les non-initiés. Ce message de Noël, aujourd'hui fortement critiqué, est un message de diplomate. Il a d'ailleurs été très bien compris par les nazis puisque la presse allemande se déchaîne contre le pape. Avant de faire diffuser ce message, en juin 1943, sur les ondes de Radio Vatican : "Quiconque établit une distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se trouve en contradiction avec les commandements de Dieu." Il n'y a pas, pour un chrétien, d'excommunication plus directe.

Il faut remettre cette question dans le contexte de l'époque, la guerre, et de l'Église. Pie XII a explicitement dit que c'était d'abord aux évêques sur place d'évaluer s'il fallait ou non parler en public. Or, si les évêques allemands ont été prompts à dénoncer l'extermination des personnes handicapées, ils l'ont été beaucoup moins pour le peuple juif. Au silence de l'Église allemande fait donc écho le silence du pape, et de ce point de vue il faut aussi ajouter que l'Église tout entière était encore partiellement prisonnière d'un antijudaïsme chrétien. De plus, pendant très longtemps, le pape a hésité à intervenir dans ce qu'il estimait être une affaire interne au pays. Il souhaitait aussi préserver les catholiques allemands, de façon à ce qu'ils ne soient pas considérés comme des ennemis de l'État allemand, et ce problème deviendra central pendant la guerre et face à la persécution religieuse.
Durant la guerre, il n'a nullement été "le pape d'Hitler", mais on peut affirmer que jusqu'au début de 1943 il a été "le pape de Roosevelt". La cynique formule de "reddition sans condition", émise en janvier 1943, à la Conférence de Casablanca, a fait comprendre à Pie XII que les Alliés occidentaux l'avaient dupé, poursuivant d'autres buts que les nobles principes énoncés dans la Charte de l'Atlantique. C'est en 1943 que le pape oriente son action vers la lutte anticommuniste, alors qu'il n'avait, en juin 1941, ni salué ni cautionné la Croisade antibolchevique, estimant qu'Hitler n'était pas qualifié pour la diriger et, surtout, ne voulant pas contrarier son ami Roosevelt, le "neutre" qui soutenait l'effort militaire de Staline.

Il a menacé plusieurs fois de dénoncer la question juive, mais il ne l'a pas fait. De même, il a pris des contacts avec la Résistance en Allemagne pendant la Guerre, mais qui sont restés sans lendemain. L'historien israélien Pinchas Lapide a estimé que huit cent cinquante mille personnes lui doivent la vie ; et les organisations juives se sont confondues en remerciements.
On sait depuis longtemps que le pape a protégé des juifs, et a incité, au moins indirectement, les couvents de Rome à le faire Le 16 octobre 1943, les nazis déportent 1 020 juifs de Rome vers Auschwitz. Quinze en reviendront. Informé de la rafle, Pie XII avait décidé de ne pas protester personnellement, mais de passer par l'intermédiaire du recteur de la mission allemande de Rome, Mgr Hudal. Le pape a-t-il, ce jour-là, sous-estimé sa propre autorité morale ? Le débat reste ouvert. Le 3 décembre 1943, en effet, L'Osservatore Romano publie un article très clair, après les lois antijuives des fascistes de Salò, et demande aux catholiques la miséricorde pour les juifs. C'était une invitation explicite aux couvents de les protéger. Ce qui fait question à propos de Pie XII, c'est sa prise de parole publique : pourquoi n'est-il intervenu qu'à deux reprises publiquement en faisant seulement allusion à l'entreprise exterminatrice du Troisième Reich à Noël 1942, et ensuite en juin 1943, alors qu'on sait qu'il a reçu de nombreuses demandes en faveur d'une intervention plus forte ?
Demeure également un épisode rocambolesque : voulant libérer Mussolini, évincé par les fascistes italiens le 25 juillet 1943, Hitler avait envisagé d'enlever Pie XII et de l'exiler au Liechtenstein. Mais le général SS en charge du projet trouva le moyen d'en informer le pape. Et Hitler finit par abandonner le projet.
En 1943, Pie XII est contre la capitulation sans condition de l'Allemagne. Pourquoi ? Parce qu'il espère encore que la résistance pourra se débarrasser de Hitler et changer la nature du régime. Il pense aussi qu'une capitulation sans condition nourrit "l'énergie qui donne le désespoir", prolongeant la guerre et les souffrances. Après l'échec de l'attentat du 20 juillet 1944, Pie XII ne songe plus à une paix de compromis.

Pendant ce temps, Golda Meir rendait hommage à Pie XII. Les rescapés des camps venaient à Rome le remercier pour ce qu'il avait fait. Après la guerre, des témoignages de reconnaissance vont démontrer, y compris en Israël, que cette stratégie d'interventions individuelles et secrètes, ainsi que la mise en oeuvre de réseaux catholiques d'assistance et d'éducation, ont permis de sauver des milliers de juifs. Le grand rabbin de Rome, Israel Zolli, se convertit à la religion catholique et entre dans l'Église avec sa femme et sa fille, le 13 février 1945, en choisissant pour prénom de baptême Eugenio, c'est-à-dire le propre prénom du pape. Il désire ainsi manifester l'importance qu'a eue le pape dans sa conversion, à commencer par son exemple de charité auprès des Juifs.
C'est un vaste et difficile sujet. A la question, le pape a-t-il agit ? La réponse est oui. Il a mis en branle toute la diplomatie mondiale, et tisser un réseau de soutien impressionnant. A la question, le pape pouvait-il faire plus, ou mieux ? La réponse est oui, encore. Pie XII a beaucoup oeuvré en italie, en 44-45, pour sauver les juifs cachés à Rome de la déportation, il a beaucoup fait pour éviter les bombardements sur Rome et ses habitants.
J'espère avoir été instructif.
Merci !
x-Rastamanga-x, Posté le mardi 23 novembre 2010 04:46
Wouaouh! C'est vrai qu'on n'aborde pas ce point quand on traite de la 2de GM au lycée, mais c'est bien dommage, c'est très important et surtt intéressant!
Merci, j'ai appris des truc aujourd'hui ^^