
La piraterie maritime a toujours existé, de l'Antiquité jusqu'à nos jours. Mais le terme évoque surtout, dans les esprits comme au cinéma, la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècles, notamment dans les Antilles.
À la fin du XVe siècle, Colomb ouvre la voie vers le nouveau monde. Entre 1492 et 1504, il découvre les petites et grandes Antilles et l'île de Trinidad, puis explore le Panama, Costa Rica et le Honduras. Le décor est posé. Portugais et Espagnols installent leurs colonies américaines et caribéennes et l'âge d'or de la flibuste peut commencer. L'appel de l'or aztèque et inca fait affluer les pirates vers ces nouvelles colonies qu'Espagne et Portugal entendent bien se garder. La France, l'Angleterre et la Hollande, désirant une part du gâteau, engagent des corsaires. Vers l'année 1525, les colonies espagnoles des Grandes Antilles voient ainsi surgir ces écumeurs des mers : simples gens du peuple ou gentilshommes en quête d'aventure, les corsaires ne cesseront dès lors de s'y risquer. Ils s'y établiront vers le milieu du siècle suivant, devenant ainsi, comme ils s'appelleront en français, des "flibustiers". Ils formèrent bientôt des confédérations pirates, fixées sur quelques îles des Caraïbes, comme l'île de la Tortue (au large de Haïti), ou la Jamaïque (autour de 1660). Désunis par les guerres, mais unis par la haine des "Madre de Dios" (les Espagnols) - au service du roi en temps de guerre, mais à leur propre service en temps de paix - pirates et corsaires anglais, hollandais et français sèmeront la terreur dans les Caraïbes et joueront un rôle essentiel dans l'histoire de la colonisation des Antilles et des Amériques.

Les flibustiers français de l'île de la Tortue et anglais de l'île de la Jamaïque embarquaient parfois, comme auxiliaires, les boucaniers français de l'île espagnole de Saint-Domingue. Ils furent célèbres, surtout pendant la première moitié du XVIIème siècle, où ils écumèrent les Antilles et les côtes du Vénézuela. La guerre de la Succession d'Espagne, en faisant de l'Espagne l'alliée de la France, contribua à la fin de la flibuste.
On oppose généralement à tort les marins et on les classe arbitrairement en trois catégories : les pirates, les corsaires, les officiers de marine. Rien n'est plus faux : un pirate est certes un bandit, mais dès que le roi reconnaît ses compétences, il l'admet à son service, lui donne des "lettres de marque" pour courir sus à l'ennemi, et voilà notre pirate transformé en corsaire. Que cet ancien bandit réussisse avec le méme sabre d'abordage sa nouvelle carrière de corsaire, le voilà promu capitaine des vaisseaux du roi tel Abraham Duquesne le Vieux, pirate redoutable, corsaire talentueux puis respectable officier de Louis XIII. Au cours de la même vie, Ducasse, né huguenot, peut étre à la fois le chef des flibustiers de La Tortue, lieutenant général des armées navales, et l'ancien calviniste qui meurt décoré de la Toison d'Or par le Roi Catholique. Ducasse est l'exemple type du flibustier-officier général. Grâce à l'argent convoité, pris et confisqué dans l'espace caraïbe, il peut donner 400 000 livres de dot à sa fille unique et en faire une duchesse de La Rochefoucauld. Splendide promotion due à l'apport fourni par les 1 600 flibustiers de Saint-Domingue pris au passage par le baron de Pointis en 1697 pour aller piller Carthagène-des-Indes. Les flibustiers y participent aux côtés de la flotte du roi. Là, "outre neuf millions en argent ou en barre, ce qui fut pris en pierreries et en argenterie est inconcevable ", écrit Saint-Simon. Carthagène-des-Indes est l'entrepôt le plus riche de toute l'Amérique latine.
Menacés sur mer, les flibustiers se tournent vers les "cités de l'or" : Maracaibo, Veracruz et Carthagène seront pillées, rançonnées et réduites en cendres plusieurs fois (à la fin du XVIème siècle et au XVIIe siècle). Mais ces expéditions causent de lourdes pertes parmi les équipages corsaires, pourtant menés par d'excellents chefs de guerre tels que Morgan et l'Olonnois. Ils succombent en outre à la fièvre jaune, à la malaria ou finissent découpés par les Indiens. Sans compter que le vent tourne et que les royaumes ne mettent plus que rarement les flibustiers à contribution. L'âge d'or de la flibuste touche à sa fin, mais la piraterie subsiste.

Les pirates forment une société cosmopolite. Venus de Hollande, de Zélande, de Frise, de Flessingue, de Dunkerque, de Honfleur, de Saint-Malo, du pays Basque, de Provence ou de Bretagne, ils se sont partout associés en barbaresques, en gueux de la mer, en flibustiers de l'espace antillais, en Frères de la côte, en pirates de Formose aux ordres de leur roi Koxinga, établi dans l'île en 1661. Pirates, ils sont aussi contrebandiers parce qu'il faut écouler les cargaisons capturées qui sont bien plus souvent des denrées comestibles, du bois, des salaisons, du poisson séché que des perles, des émeraudes et des rubis. Certes, au milieu du triangle des Bermudes, les "îles au trésor" fascinent, les mines de cuivre de Cartier sont prises pour des mines d'or, le mica pour des diamants, et la Louisiane de Law est censée offrir des rochers de diamants, mais la réalité est tout autre. La piraterie se mue souvent en commerce au bout de la pique (c'est-à-dire en contrebande) qui se fait avec les colonies ibériques d'Amérique du Sud et Centrale. D'où une sédentarisation des pirates qui contribue au peuplement des Antilles. Les nations civilisées finissent par être plus voleuses que les pirates. En 1697, "les flibustiers eurent grand débat avec Pointis pour leur part, de la plus grande partie de laquelle ils se prétendaient frauder. Comme ils virent que le baron, officier général de Louis XIV, se moquait d'eux, ils retournèrent à Carthagène, la pillèrent de nouveau, y firent un riche butin et y trouvèrent beaucoup d'argent", dit encore Saint-Simon.


La flibuste disparaît dans l'espace caraïbe à la fin de la Régence, du fait de l'omniprésence de la Royal Navy. Les flibustiers abandonnent ce métier devenu trop périlleux pour investir, grâce à leurs butins, dans de vastes propriétés vouées à la grande plantation sucrière.
L'apogée de cette piraterie expansionniste se situe entre 1716 et 1718. Mais le XVIIIe assiste aussi à un véritable essor des marines de guerre européennes, mettant un terme rapide à la piraterie. Les "pirates" tels qu'ont les imagine dans les films hollywoodiens apparaissent après 1700, notamment après la fin de la Guerre de Succession d'Espagne (1713, suivie par une crise commerciale à partir de 1715). C'est cette période qui a le plus donné lieu à la légende et aux caricatures, mais elle concernait principalement des pirates anglais.

Malgré l'image romantique qui leur fut ensuite donnée, la plupart des pirates de cette époque ne furent actifs que quelques mois, un ou deux ans au maximum, avant d'être pris ou tués. L'âge d'or de cette piraterie-là n'a, en tout, duré qu'une douzaine d'années, de 1715 à 1726 environ.
Les écrivains s'emparèrent alors du mythe...
J'espère avoir été instructif.
Merci !
taigong788, Posté le mercredi 30 septembre 2015 11:58
Visiteur a écrit : "
"De rien, je suis heureux d'avoir pu t'aider.