Jésus était-il marié ?

C'est la question que nous pose ce papyrus découvert en 2012. Un collectionneur avait alors contacté Karen King, professeure à la "Harvard Divinity School" pour qu'elle traduise et analyse un papyrus. Le travail de Karen King aboutit alors à une découverte troublante, car on trouve sur ce document : "Et Jésus leur dit : ma femme...".

On ne sait pas d'où vient ce papyrus : Égypte ou Syrie ? En qualifiant une femme de "sienne", Jésus affirme également qu'elle sera l'une de ses disciples. Karen King limite pourtant l'engouement de cette découverte en disant : "Ce nouvel évangile ne prouve pas que Jésus était marié, mais il nous dit que toute cette questions a émergé au milieu d'un débat animé sur la sexualité et le mariage. Dès leurs tout débuts, les chrétiens se sont divisés pour savoir s'il était mieux ou non de se marier. Mais ce n'est que plus d'un siècle après la mort de Jésus qu'ils ont commencé à faire référence au statut marital de Jésus pour défendre leurs positions." Pour elle : "ce texte souligne seulement que les femmes, mères et épouses, pouvaient aussi être des disciples de Jésus, un sujet qui faisait l'objet d'un débat passionné au début de la chrétienté".

À l'annonce de cette découverte, des sceptiques font savoir leurs doutes par rapport à l'authenticité de ce papyrus. Des tests alors en cours sont menés par des chercheurs venus des plus prestigieuses universités américaines et le 10 avril 2014, on découvre que l'encre et le papyrus ainsi que l'écriture et la structure grammaticale correspondent à ceux utilisés dans une période allant du VIe. au XIXe siècle de notre ère. "Toutes ces analyses et le contexte historique indiquent que ce papyrus est presque certainement le produit des chrétiens anciens et non un faux d'aujourd'hui", conclut l'étude dans la "Harvard Theological Review".

Il existe d'autres textes gnostiques (notamment, le chapitre 9 de l'Évangile selon Marie-Madeleine) qui contiennent des scènes où les disciples se disputent les uns avec les autres pour savoir si oui ou non Marie est une véritable disciple et si elle est autorisé à enseigner (Pour la petite histoire, le disciple Lévi se lève pour elle). Et l'Évangile de Philippe contient un passage qui dit : "Grand est le mystère du mariage !" Et aussi la provocante (même scandaleuse) affirmation que Jésus aimait Marie de Magdala et souvent "l'embrasse [...] sur sa [...]." Le texte se détache, laissant place à l'imagination pour savoir quelle est la partie du corps dont le texte parle. Il n'est pas déraisonnable de supposer que ce nouveau fragment pourrait appartenir à la une grande tradition des Évangiles gnostiques qui traitent des questions de genre et du rôle des femmes dans la vie de la communauté chrétienne.

Cela épouse l'avis de Ben Witherington, professeur d'interprétation du Nouveau Testament à l'Asbury Theological Seminary, déclara que le texte pourrait contribuer à l'étude de la gnose entre le IIe et le IVe siècle, il ne doit pas être considéré comme un "changement de jeu" pour ceux qui étudient Jésus dans le contexte historique du Ier siècle. Il explique en outre qu'"au cours de la montée du mouvement monastique, vous aviez beaucoup de gens de type monastique et des évangélistes qui voyagèrent en compagnie de leur sœur-épouse" et que le terme "femme" était ouvert à l'interprétation.

Peut-être que Jésus se réfère par ailleurs à une Marie inconnue qu'à son épouse dans un sens spirituel à la façon dont les martyrs chrétiens appelaient parfois des femmes sous le nom de "mariées" (par exemple comme dans la Passion de Perpétue et Félicité au IIIe siècle). Jésus se réfère aussi à l'Église en général comme son "épouse". Peut-être, qu'après certains des premiers chrétiens pensaient que Jésus - comme l'apôtre Pierre - avait une femme réelle. Bien que, dans ce cas , il convient de noter qu'il n'y a aucune preuve que Jésus lui-même avait une femme, cela tient simplement du fait que des gens le pensaient dans le cercle gnostique. Cela démontre également qu'il y avait une plus grande diversité d'opinions parmi les premiers chrétiens sur le statut de la femme et que de nombreuses personnes réalisaient, tout comme aujourd'hui, que l'exemple personnel et les dits de Jésus constituaient le point central de ce débat.

Mais des égyptologues réfutent cette thèse, arguant que l'expression grammaticale ne peut correspondre à cette époque. Pour eux, les erreurs grammaticales grossières dans ce texte et le fait que l'écriture des mots à l'exception de "la femme de Jésus" soit identique à celle de l'Évangile de Thomas, ne peuvent pas être une coïncidence. Il est possible d'acheter des papyrus anciens très facilement et de falsifier l'encre. Il est également suspect que le propriétaire et le lieu de découverte du fragment ne sont pas connus.

Marié ou pas ? C'est une question qui alimente les débats. Pourtant une autre se dégage, celle du célibat des prêtres et du sacerdoce des femmes. Comme quoi un document peut alimenter d'autres sujets.

Merci et bon dimanche des rameaux !