Aum Shinrikyo, la secte qui voulait provoquer la fin du monde

Les médias japonais ont annoncé, le vendredi 6 juillet 2018, l'exécution de Shoko Asahara, ancien gourou de la secte Aum. Celui-ci avait activement participé à l'organisation de l'attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995. Le ministère de la Justice n'a pas immédiatement confirmé cette information donnée par les TV et agences de presse nippones. Six autres ex-membres de la secte, en plus du gourou, ont été exécutés vendredi matin au Japon pour leur implication dans le même attentat.

Né le 2 mars 1955 d'un fabricant pauvre de tatami sur l'île de Kyushu (sud-ouest du Japon), dans une famille de neuf enfants, Chizuo Matsumoto de son vrai nom a souffert de graves problèmes oculaires enfant, et il est entré dans une école primaire et secondaire pour les aveugles à Kyushu. Il est allé ensuite travailler à Tokyo et après avoir été diplômé de l'école avec une formation spéciale pour devenir acupuncteur, Asahara tente l'entrée à la prestigieuse Université de Tokyo mais échoue. Avant de se marier, il ouvre une clinique d'acupuncture dans la banlieue de Tokyo à la fin des années 1970, et parvient à gagner beaucoup d'argent en vendant des plantes médicinales, dont un «produit miracle» : une décoction de pelures d'orange qui lui vaut ses premiers ennuis avec la police en 1982 et la fermeture de sa clinique. Après avoir échoué, il s'est marié et, avec l'aide des parents de sa femme, a ouvre une pharmacie de médecine orientale dans la préfecture de Chiba.

Les intérêts religieux d'Asahara sont arrivés à échéance au cours de cette période. Dans les années 1980, il était membre d'Agonshū, un nouveau mouvement religieux fondé sur les idées de la secte Shingon du bouddhisme ésotérique, mélangeant le Kundalini Yoga et l'Agama, des anciennes collections des propres mots et enseignements de Bouddha. Agonshū ont insisté sur la libération du karma individuel et la réalisation des pouvoirs surnaturels en réveillant les chakras, les centres spirituels à l'intérieur du corps. Par la suite, l'enseignement de Asahara a aussi insisté sur l'objectif d'atteindre ces pouvoirs par la pratique du yoga. C'est certainement durant cette période qu'il a créé l'Aum Corporation en 1984. Il est fréquemment apparu dans les magazines New Age entre 1983 ou 1984. Pendant cette période, il publie des livres avec des titres tels que la méthode secrète pour développer ses Pouvoirs Psychiques (1986) et Au-delà la vie et la mort (1986). En 1986, Asahara a affirmé qu'il avait atteint «l'illumination ultime» après une méditation dans l'Himalaya.

Aum Shinrikyo est finalement créé en 1987 par Shoko Asahara, qui visait à conquérir le Japon puis le monde, transformant ainsi son école de yoga en un groupe religieux. Cette secte, adepte d'une doctrine mêlant le bouddhisme, l'hindouisme et des théories apocalyptiques, a attiré jusqu'à 10 000 fidèles. Depuis, le «prophète», adorateur de Shiva, dieu de la destruction dans la mythologie hindouiste, n'hésitait plus à se présenter comme le Christ et le Bouddha réincarnés. Ses disciples, entièrement dévoués, astreints à une discipline de fer, étaient contraints de porter des casques spéciaux munis d'électrodes censées diffuser les ondes cérébrales du «maître». Pour parvenir à ses fins, il peut compter sur son armée d'adeptes prêts à tout, et sur des moyens colossaux. En effet, la secte Aum, hypermoderne et informatisée, dotée des technologies les plus sophistiquées en matière d'armes bactériologiques, infiltrée dans les universités et les unités d'élite de l'armée nippone, dispose d'une fortune évaluée à 1,25 milliard de dollars. Plus de moyens qu'il n'en faut pour mener à bien l'œuvre de déstabilisation prévue pour toucher d'abord le Japon, puis le monde entier.

Corpulent, le «maître spirituel» portait souvent une tunique mauve devant ses fidèles qui, sauf ceux d'un rang élevé, ne pouvaient regarder le «sage» en face, par déférence. Ce qui ne l'empêcha pas de préférer le luxe à l'ascétisme. Amateur de voitures de luxe et de femmes, il n'hésitait pas à voyager en première classe et aurait eu des enfants hors mariage, en plus de quatre filles et deux fils légitimes. Approuvé en tant qu'entité religieuse en 1989 selon la loi japonaise, le groupe a présenté des candidats lors d'une élection parlementaire japonaise en 1990. Shoko Asahara n'arrivant pas à se faire élire député va vers une «descente aux enfers» dans laquelle il précipite les disciples de la secte. Leur défaite politique retentissant fut une humiliation pour Asahara et Aum. Aum construisit des installations dans les préfectures rurales de Yamanashi et Kumamoto, et dans les deux sites du groupe ont suscité une forte opposition, ce qui amena l'intensification de l'antipathie d'Asahara envers la société japonaise.

Au fil du temps, le culte a commencé à souligner l'imminence de la fin du monde. Asahara a commencé à publier des livres avec des titres tels que Le jour du jugement dernier (1989) et La vérité de la destruction de l'humanité (1991) qui annonce un Armageddon à venir causé par l'utilisation d'armes de destruction massive. Parallèlement il voue une fascination pour le sarin, gaz de combat inventé par les nazis, comme en témoignent des articles publiés dans ses revues. Sa vision apocalyptique eschatologique s'est intensifiée au cours de ces années, et ses disciples ont travaillé pour faciliter ses prophéties. Ils ont secrètement poursuivi des recherches sur les armes biologiques et construit un laboratoire à Yamanashi. En 1990, Aum a essayé de produire des gaz toxiques dans Kumamoto, et en 1993, Asahara a secrètement ordonné à ses disciples de produire un millier de mitrailleuses et de mener des recherches sur le développement d'armes chimiques. En même temps, il se plaignait qu'Aum était persécuté par le gouvernement japonais et les troupes américaines, et il a affirmé qu'ils avaient eux-mêmes souffert d'attaques au gaz neurotoxique.

Shoko Asahara en vint à l'inimaginable. En mars 1995, le gaz "sarin" fait des victimes dans le métro de Tokyo. Panique. La police japonaise, impuissante, recherche vainement les coupables. Cet attentat avait fait 13 morts et intoxiqué plus de 6 000 personnes. D'autres attentats se produisent. À partir de sa retraite sur les pentes brumeuses du mont Fuji, Shoko Asahara, déclenche le processus programmé pour aboutir à son but suprême : rien de moins que l'Apocalypse en 1997 ! La suite aurait pu tourner au cauchemar. Déjà, en juin 1994, sept personnes avaient été tuées dans la ville de Matsumoto, dans le centre du pays, et 600 autres avaient souffert de maux divers, à la suite d'une attaque au gaz sarin perpétrée par des membres de la secte. Incarcéré le 16 mai 1995, il avait vu sa peine capitale confirmée en 2006, et attendait depuis dans les couloirs de la mort.

Le gouvernement japonais a révoqué sa reconnaissance d'Aum en tant qu'organisation religieuse en octobre 1995, mais en 1997, un groupe gouvernemental a décidé de ne pas invoquer la loi anti-subversive contre le groupe, ce qui aurait rendu le culte illégal. Une loi de 1999 a donné au gouvernement japonais l'autorisation de poursuivre la surveillance policière du groupe en raison des craintes qu'Aum puisse lancer de futures attaques terroristes. La même année, Aum demanda pardon et promis d'indemniser les victimes et les familles endeuillées. Le groupe religieux permis la confiscation des ses biens pour indemniser les victimes. Sous la direction de Fumihiro Jōyū, Aum changea son nom en Aleph en janvier 2000 et affirma avoir rejeté les enseignements violents et apocalyptiques de son fondateur. Beaucoup d'intellectuels ont souligné qu'Aleph n'était pas capable de tueries de masse. Jōyū a pris le contrôle officiel de l'organisation au début de 2002 et reste son chef de file. Aleph cherche aussi à jouer la carte de la transparence avec les autorités nippones et a ainsi interdit les réunions à huis clos interdites et la présence d'un gourou.

Le gourou d'Aum est pendu mais la secte reste active. Elle compte 1500 membres encore sous son influence. La police redoute des incidents après son exécution qui ferait d'Asahara un martyr.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures : Andrew Marshall et David E. Kaplan, Aum, le culte de la fin du monde. L'incroyable histoire de la secte japonaise, Albin Michel, 1998, https://www.la-croix.com/Religion/Au-Japon-lex-gourou-secte-Aum-execute-2018-07-06-1200953117, https://www.ouest-france.fr/monde/japon/japon-qui-etait-shoko-asahara-le-gourou-fondateur-de-l-ex-secte-aum-5866793, http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20180706-japon-execution-secte-aum-shoko-asahara-gaz-sarin, et https://www.rtl.fr/actu/international/japon-l-ex-gourou-de-la-secte-aum-a-ete-execute-7794011816.

Merci !