La Saint-Valentin, une fête des amoureux ?

En ce jour de la Saint-Valentin, nous allons voir aujourd'hui les origines de la fête, dont les origines sont beaucoup moins nobles qu'on pourrait le croire.

Le 14 février, on lui donne souvent le visage d'un patriarche, entouré de multiples cœurs sur des cartes de vœux. Saint Valentin a vraiment existé, mais il ne correspond pas vraiment au personnage que l'on imagine. Près de huit saints ont porté son nom. Mais ils n'étaient pas pour autant les patrons des amoureux : ils protégeaient le vignoble du phylloxéra, les vaches de la maladie ou la culture des oignons.

Sans sources historiques solides, difficile de déterminer qui fut le véritable Valentin à l'origine de la fête des amoureux. Il y a un saint Valentin bien réel qui vécut au IIIe siècle à Rome et qu'on appela plus tard 'patron des amoureux'. Mais ce fut inventé a posteriori, parce que les autorités religieuses et politiques avaient besoin de ce storytelling. D'ailleurs, personne ne sait s'il résulte de l'amalgame de deux ou trois personnes, ni s'il était empli d'amour. Le troisième, Valentin de Rhétie du Ve siècle, invoqué pour soigner les épileptiques, a été associé par erreur à Valentin, prêtre de Rome, emprisonné par Claude II le Gothique et décapité le 14 février 270, 273 ou 280. Une histoire semblable a été racontée pour l'évêque de Terni du même nom. Ces deux hommes ont été enterrés quelque part le long de la Voie Flaminienne, ce qui fait dire que Terni a cherché à récupérer le saint ou son tombeau pour le sien. Certaines sources estiment d'ailleurs qu'il s'agissait d'un seul et même homme... Pourtant, sous son règne de Claude II (268-270), les chrétiens restèrent à l'abri de toute poursuite, pourtant les Actes des Martyrs énumèrent quelques individus qui auraient été martyrisés pendant le règne de Claude II. On pourrait penser alors qu'il y avait une instabilité politique qui a permise une persécution locale et sporadique, à Rome ou Terni, voire une épuration des cadres ayant soutenu l'empereur précédent, Gallien (260-268). Ou ces martyrs eurent lieu pendant les 3 mois où son frère Quintilius gouverna l'empire en 270, et dont la politique semble ferme envers les chrétiens, ou encore sous Aurélien (270-275), qui persécuta les chrétiens entre 272 et 275, mais son édit semble avoir principalement touché ceux d'Orient, au moment où il était en campagne contre l'empire de Palmyre, et pas les provinces éloignées. Au fil du temps, l'histoire s'est développée et s'est développée en différentes versions. Comme des églises individuelles ont affirmé avoir la dépouille de Valentin, elles ont ajouté des détails à l'histoire. Le problème, c'est que la Saint-Valentin qui est commémorée dans la tradition de l'Église est, comme les hommes qui laissent les toilettes abaissées, l'étoffe de l'imagination littéraire.

La Saint-Valentin, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est le fruit de plusieurs manifestations au cours des siècles, célébrant l'amour. Dans l'ancienne société française, mais aussi européenne, il fallait être propriétaire pour pouvoir se marier. Les mariages tardifs sont fréquents et les célibataires nombreux : "Environ la moitié de la population en âge de procréer était donc théoriquement interdite de relations sexuelles." Mais cette interdiction diffère entre les jeunes filles et les garçons. Pour ces derniers, les tolérances sont considérables : "C'était un âge d'amitiés viriles dans les compagnonnages et les 'abbayes joyeuses' (...) mais aussi de pratiques des viols collectifs." Le rituel était toujours le même. "De jeunes hommes se rendaient chez la victime, pendant la nuit, faisaient du chahut sous ses fenêtres pour l'appeler, en la traitant de "ribaude"[débauchée]. Puis, comme elle se taisait, on enfonçait sa porte." Dépucelée avant le mariage, la jeune femme n'avait plus d'autre choix que la prostitution. Ce comportement était admis et la pratique très répandue. Plus d'un jeune homme sur deux avait participé à des viols collectifs au XVe siècle. Pour échapper à cela, les jeunes femmes n'avaient alors d'autres choix que de se conformer à des rituels "amoureux" encadrés, comme les "loteries amoureuses", où les hommes et les femmes étaient autorisés à se rencontrer hors mariage. Ces loteries avaient lieu à des périodes différentes dans l'année, selon les villages. Cette pratique était alors un moyen de "canaliser" la violence masculine et de protéger les femmes. Des processions commencent aussi à être organisées pour célébrer le jour des amoureux. Les jeunes gens qui devaient choisir une cavalière pour les processions ont été appelés les Valentins.

Au XIVe siècle, le poète anglais Geoffrey de Chaucer raconte dans ses écrits que les amoureux s'échangent des lettres d'amour et qu'ils appellent l'être aimé Valentin. Certains érudits estiment que le texte fut rédigé pour le compte de Richard II, lors des négociations maritales avec Anne de Bohême en 1380. Á partir du XVe siècle, les mœurs s'adoucissent. L'amour devient galant et romantique. Le chevalier récitait l'amour, puis les poètes l'écrivaient sur des parchemins. Il y eut enfin les lettres et l'émergence des cartes postales. En 1415, Charles d'Orléans lui-même écrit des poèmes d'amour consacrés à la Saint-Valentin alors qu'il est emprisonné. Les sœurs Elizabeth et Margery, elles auraient prolongé la tradition en 1477 : vivant à Norfolk, c'est dans une lettre à leur cousin, John Paston, qu'elles s'adressèrent en l'appelant «mon bien-aimé Valentin». La première missive du genre connue. Enfin, on évoque le poète John Lydgate, auteur d'un poème adressé à la Vierge Marie – très bénédictin dans le style et la forme... C'est au XIXe siècle que la carte de la Saint-Valentin, qui existait déjà en Europe, apparaît aux États-Unis et marque le début de l'amour commercial. Le pays est tout récent et en manque de fêtes sentimentales, les autorités promeuvent cette fête et la développent avec l'industrie de la carte. Avec le coup de pouce des publicitaires, la carte de la Saint-Valentin est élargie aux objets et promue par des pratiques culturelles, comme le dîner au restaurant.

Enfin, ce n'est qu'en 1493 que la légende est apparue que Saint-Valentin a marié des couples en secret, et en 1496, le pape Alexandre VI donne le titre de «patron des amoureux» à Valentin de Terni, un évêque était plus important qu'un prêtre et plus porteur pour faire durer la fête.