Le 10 mai 1802, la mort de Louis Delgrès pour défendre l'abolition ...

Aujourd'hui en ce 10 mai, vote de la loi Taubira en 2001 reconnaissant la traite et l'esclavage comme crimes contre l'humanité, il faut aussi rattacher un autre événement bien plus ancien, la proclamation du Colonel Delgrès en 1802. Un texte adressé à "L'Univers entier" intitulé "Le dernier cri de l'innocence et du désespoir". Il y a annonce son intention de "vivre libre ou mourir".

Louis Delgrès, serait le fils naturel d'un certain Louis Delgrès, créole blanc martiniquais de Saint-Pierre, directeur des Domaines à Tobago (occupée par les Français en 1781). Né «libre de couleur» à Saint-Pierre le 2 août 1766, il vit avec ses parents en Martinique, puis à Tobago, où commence sa carrière militaire en 1783 dans la milice coloniale, son éducation favorise son ascension et il devient sergent en 1791, après la mort de son père. Favorable à la Révolution, il s'exile à la Dominique en 1791 lorsque les royalistes prennent le contrôle de son île natale, puis il devient lieutenant en 1792 et s'engage aux côtés de Rochambeau dans sa lutte contre les Anglais à la suite de leur débarquement pour prendre la Guadeloupe.

Fait prisonnier en février 1794, il est conduit dans les prisons britanniques, et à sa libération il rejoint à nouveau la France à Saint-Malo. Envoyé en 1795 en Guadeloupe, puis à Sainte-Lucie pour combattre les Anglais. Il y est grièvement blessé le 22 avril. Pour avoir pris le Mont Rabot, à la suite de violents combats, et y avoir hissé le drapeau tricolore, il est nommé capitaine le 25 juin 1795. À Saint-Vincent, pour combattre les Anglais à la tête d'un commando parti de Guadeloupe, il fait alliance avec les Caraïbes noirs de Joseph Chatoyer, les Garifunas (population issue d'Afro-descendants et d'Amérindiens). Repris par l'ennemi le 16 juin 1796, il est de nouveau déporté en Angleterre (Porchester) et ne bénéficie d'un échange qu'en septembre 1797.

Il séjourne au Havre, et tient garnison que quelques moins à Rouen avant de retourner en Guadeloupe en 1795, puis à Sainte-Lucie pour combattre les Anglais, puis à l'île d'Aix, en compagnie de Magloire Pélage, avant de revenir en Guadeloupe en 1799 et de devenir chef de l'arrondissement de Basse-Terre, où l'esclavage a été formellement aboli en 1794. En 1801, après la destitution du capitaine général Lacrosse, Delgrès rejoint les officiers rebelles.

Le 10 mai 1802, la mort de Louis Delgrès pour défendre l’abolition de l’esclavage

Son engagement révolutionnaire va le conduire à prendre la tête de la résistance contre les troupes consulaires envoyées par Napoléon Bonaparte pour rétablir l'esclavage. Le général Richepance les commande pour «rétablir l'ordre» dans les îles, qui semblent en dissidence avec l'hexagone... Secrètement l'homme est aussi investit d'une autre tache par Bonaparte, le premier Consul : rétablir l'esclavage ! Dès son arrivée, malgré un accueil plutôt cordial, Richepance, commence par désarmer les soldats noirs... Plusieurs officiers en compagnie de quelques hommes de troupes prennent alors la fuite. Parmi eux, le Capitaine Ignace ou le Chef de Bataillon Massoteau... Il va mener une répression violente, n'hésitant pas à envoyer des chiens sauvages aux trousses des Noirs et Métisses. Á Basse-Terre, le Colonel Louis Delgrès, conscient de ce qui se trame, se prépare à combattre.

Il ne supporte pas ce retour en arrière, moins pour des principes raciaux que pour des valeurs républicaines. C'est ça qui est intéressant, il était avant tout un fervent Républicain, un patriote. Le 10 mai, une proclamation est rédigée par son aide de camp et secrétaire Monnereau. Dans son manifeste, il ne s'apitoie pas sur le sort des hommes de couleur. Il parle des principes révolutionnaires de liberté, d'égalité. Et en appelle à Napoléon Bonaparte, en qui il a une totale confiance en tant que Républicain. Pour lui, Richepance l'a trahi en voulant rétablir l'esclavage dans son dos.

Après avoir placardé son manifeste dans la ville et de durs combats, le 20 mai 1802, Delgrès et ses 300 hommes sont contraints de se replier vers Saint-Claude. Le 28, se voyant perdu, ils se suicident à l'explosif dans leur refuge de la Soufrière à Matouba. Les révoltés avaient respecté leur devise : «Vivre libre ou mourir.» Les survivants, dont l'épouse de Delgrès, Rose, dite Toto, qui n'avait pu suivre son mari, s'étant cassé la jambe, sont massacrés au cours d'une effroyable répression. L'adjudant général Monnereau invité, du fait qu'il n'était pas un Afro-descendant, à renier le texte rédigé avec Delgrès, refusera et sera pendu.

Malgré la résistance sporadique de quelques «Neg Mawon», l'esclavage fut rétabli à la Guadeloupe pendant 46 ans, jusqu'à son abolition définitive en 1848. Deux siècles plus tard, en 2002, un timbre et une inscription au Panthéon ont honoré Louis Delgrès.

Pour aller plus loin, je vous mets ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Edouard Leduc, Dictionnaire du Panthéon (de Paris), Publibook, 2013, https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/il-y-216-ans-vivre-libre-mourir-587651.html, https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/jour-delgres-ses-camarades-ont-choisi-mort-au-retablissement-esclavage-477997.html, https://www.la-croix.com/France/En-Guadeloupe-memoire-lesclavage-2020-01-02-1201069396, et https://www.liberation.fr/societe/2010/05/10/la-journee-de-l-abolition-de-l-esclavage-devrait-marquer-le-souvenir-de-louis-delgres_1882.

Merci