Marie de Magdala, ou comment une sainte peu à peu dévalorisée a ret...

Marie de Magdala, disciple bien-aimée de Jésus et premier témoin de la Résurrection dans les évangiles de Luc et Jean qui porte l'annonce de celle-ci aux disciples, est sobrement décrite dans les Évangiles comme ayant été guérie par Jésus, qui l'avait exorcisée et pour montrer le rôle déterminant des femmes autour de ce dernier le suivant jusqu'au bout, assistant à son supplice et à son ensevelissement, mais est absente des autres écrits du Nouveau Testament. De nombreuses découvertes archéologiques intervenues depuis la fin du XVIIIe siècle permettent aujourd'hui d'approcher au plus près celle est souvent perçue aujourd'hui comme le «treizième apôtre». Marie de Magdala fut une femme de haute condition de la ville florissante de Magdala située sur la rive du lac de Génésareth, instruite dans la culture hellénistique, qui, avec les autres disciples, a compris le message christique dans sa portée spirituelle et active, et qui, pour cette raison, est devenue un des chefs de file du premier christianisme puisque les femmes sont présentes dans la communauté primitive après le départ de Jésus (Actes 1,14).

Dès le IIe siècle de notre ère, sa biographie se fait plus complexe car une part de la tradition chrétienne fusionne sous son nom les faits et gestes d'autres femmes de l'entourage de Jésus : Marie de Béthanie et la pécheresse à l'onguent, jusqu'à dessiner un nouveau personnage, une figure littéraire qui, à partir des sources anciennes, a traversé les siècles. Les textes de la gnose firent d'elle le symbole de la connaissance et la dépositaire de l'enseignement de Jésus l'appelant la «compagne du Christ» - compagne au sens spirituel du terme; du manichéisme, qui mit en lumière ses qualités d'apôtre, aux divers apocryphes qui en firent un personnage romanesque; des traditions du christianisme syriaque, confondant Marie Madeleine et la Vierge, qui menèrent aux réinterprétations du christianisme d'expression copte. Mais dans l'Église latine d'Occident, on la sort de l'ombre à la fin de l'Antiquité et on réinvente sa figure en l'identifiant à la pécheresse anonyme qui parfuma Jésus lors du banquet donné par le pharisien Simon, puis à Marie de Béthanie devenant la personne composite de Marie Madeleine, permettant de minorer son rôle dans le christianisme primitif. En Orient, les synaxaires byzantins font apparaître une fête de Marie Madeleine le 22 juillet, qui n'apparut en Occident qu'au VIIe siècle.

Depuis quelques années, Marie de Magdala, disciple de Jésus, est de nouveau à l'honneur. Les féministes américaines aussi bien que les amateurs de secrets et de mystères se sont emparés du personnage et lui font porter leurs aspirations ; un roman récent la met en scène comme épouse de Jésus et mère d'une descendance toujours parmi nous... Le phénomène n'est pas nouveau. Chaque époque a construit «sa» Madeleine : des Saintes-Maries-de-la-Mer après que des légendes apparurent dans le sud de la France entre le XIe et XIIe siècle selon lesquelles elle serait venue avec Marthe et Marie se fixer à Aix-en –Provence, où elle serait enterrée, aux peintres du XIXe siècle au moment où elle reçoit une réhabilitation littéraire devenant l'image de la pécheresse repentie, en passant par la Sainte-Baume ou Vézelay. Notre époque s'est approprié à son tour ce personnage attachant, qui est sans doute morte à Magdala ou Jérusalem entre 66 et 70 durant la 1re guerre juive contre les Romains.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Christian Doumergue, Marie-Madeleine, Pardès, 2010, Régis Burnet, Marie-Madeleine, Éditions du cerf, 2011, Madeleine Scopello, Marie Madeleine, Presses de la Renaissance, 2011, et Jean-Robert Armogathe, et André Vauchez, Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme, CNRS éditions, 2019.

Merci et bonne Sainte Marie Madeleine !