Marthe, une femme d'action indépendante

Sœur de Marie et de Lazare, Marthe, dont le nom dérivé de l'araméen, marta, 'dame, maîtresse', est une figure de l'Évangile de Luc (10,38), où elle fait partie de l'entourage de Jésus à Béthanie en Palestine et s'active à servir un repas à Jésus. Elle semble être la figure dominante d'une faille atypique, hôte de Jésus à plusieurs reprises à Béthanie. Le Christ prend le parti de sa sœur, assise à ses pieds pour écouter sa parole, contre le sien. Ainsi les deux sœurs symbolisent-elles la vie contemplative et la vie d'ici-bas, vie de travail et de service des autres. Dans les Écritures et l'exégèse, elle représente donc le type de l'Église terrestre et de la vie active puisqu'elle s'est affairée aux besoins de la maisonnée avec une grande énergie lorsqu'elle a reçu le Christ chez elle, thème qui est articulé dans la Vie. Marie incarne la foi, Marthe les œuvres. Alors que le récit de la résurrection de Lazare la valorise comme la croyante totale, alors que Marie est enfermée dans son deuil.

Mais Marthe et Marie ne sont pas des figure symbolique, des cohabitations frères et sœurs sont visibles dans l'évangile et dans les documents papyrologiques, et Marthe, Marie et leur frère semble être célibataires sans doute dans un système de famille étendue par maisonnée au même modèle que l'on retrouve dans l'Égypte gréco-romaine. De plus, à l'exemple de Marthe et Marie, la papyrologie juridique abonde de femmes indépendantes, juives ou grecques, qui gèrent leur maison, leur affaire et concluent des contrats. C'est sans doute dans la maison de cette famille atypique et dans celle de Simon le lépreux que devait se tenir les repas qui étaient pour Jésus les prémisses du banquet du Royaume de Dieu, et on a dû continuer à y célébrer l'eucharistie après la mort et la résurrection de Jésus. Cela s'explique aussi par le fait que Marthe, Marie et Lazare étaient des amis intimes de Jésus.

Le synaxaire de Constantinople au Xe siècle montre qu'on rappelait sa mémoire le 4 juin. En Occident, c'est au XIIe siècle qu'on la fête depuis le 29 juillet. C'est en Provence, qu'on trouve les premières traces de son culte, à partir des années 813-814, on y trouve des femmes qui y étaient nommées Marthe. On donnait aussi son nom à des fontaines et c'est à Tarascon au Xe siècle la 1re église qui lui est dédiée.

Par la suite, la Légende dorée lui invente une ascendance royale et fait de la «noble hôtesse» du Christ la propriétaire, avec sa sœur, de châteaux - Magdala et Béthanie - et d'une partie de Jérusalem, mais s'intéresse surtout à sa légende postérieure.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Marie-Françoise Baslez, Jésus : dictionnaire historique des Évangiles, Paris, éd. Omnibus, 2017, Jean-Robert Armogathe et André Vauchez, Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme, CNRS Éditions, 2019, Enrico Norelli, La naissance du christianisme : comment tout a commencé, Gallimard, 2019, https://journals.openedition.org/memini/842, et https://www.historia.fr/%C3%A0-tarascon-sainte-marthe-dompte-le-dragon.

Merci et bonne Sainte-Marthe !