Luc, un personnage dont nous savons peu de choses

Aujourd'hui, nous fêtons la Saint-Luc, qui célèbre le patron des médecins et professionnels de la santé.

Luc est le seul évangéliste qui n'est pas originaire d'Israël. On ne sait pratiquement rien de lui, sauf qu'il aurait été un sémite d'origine syrienne, peut être un chrétien juif qui suivait un mode de vie grec et était relativement laxiste dans les observances rituelles, doublé d'un médecin vu qu'il est le seul des quatre évangélistes à décrire les maladies avec une précision médicale, pour désigner par exemple la localisation d'une paralysie, et à utiliser des termes médicaux de tradition hippocratique, il est aussi le seul à décrire la parabole du bon Samaritain, avec un traitement médical de la plaie du malheureux blessé, et ses écrits s'adressent de préférence aux gentils, car n'étant pas juif, cela expliquerait qu'il ait omis les passages au caractère spécifiquement juif de la mission de Jésus, et il s'exclut de ceux qui furent témoins oculaires du ministère du Christ.

L'évangile de Luc qu'il aurait composé est postérieur à 70. Dédié à Théophile, qui personnalise le chrétien de culture grec et Les Actes des Apôtres sont postérieurs à l'évangile de Luc et dédié au même Théophile. Luc partage la vision des lettrés et des notables grecs de son temps qui ne voient pas plus loin que Rome. Dans une vision plus réduite que celle de Paul, il fait passer l'évangile et les Actes des apôtres de Jérusalem à Rome, car son monde est dans un espace hellénisé homogène. C'est un grec littéraire hellénistique qui se réclame du genre historique (prologue). Pourtant, son évangile a une influence hébraïque indéniable ainsi qu'une culture biblique approfondie. Il débute et conclue son évangile sur le caractère universel de sa mission. Luc est aussi parmi les évangélistes celui qui parle avec le plus de considération et de respect des femmes.

Luc, un personnage dont nous savons peu de choses

Tandis que dans Les Actes, il combine le genre biographique (biographies partielles de Pierre et Paul juxtaposées) et celui du récit de voyage. Des récits à la première personne du pluriel incitent à supposer que des notes de voyages et situent l'auteur dans l'entourage de Paul. Cela explique pourquoi La tradition a reconnu en lui Luc, le compagnon de Paul durant sa captivité, car les Actes se terminent par la captivité romaine de Paul en 61-63, puisque vers 180, l'évêque de Lyon, Irénée, affirme que «Luc, le compagnon de Paul a consigné en un livre l'évangile que celui-ci prêchait», mais au même moment le «canon de Muratori» confirme que «Le 3e évangile est selon Luc. Luc est ce médecin qui, après l'ascension du Christ, fut emmené par Paul comme compagnon de ses voyages et qui écrivit en son nom. Cependant il n'a pas vu lui-même le Seigneur durant sa vie terrestre. Il commence son écrit à partir de la naissance de Jean», et peu après 300, un manuscrit du 3e évangile glose en ajoutant que Luc était «un homme d'Antioche, en Syrie» qui a écrit tout en étant «poussé par le Saint-Esprit», c'est-à-dire en tant que prophète.

Cette interprétation reçoit un certain soutien des écrits de Luc : la ville d'Antioche figure en bonne place dans les Actes, et il y a un intérêt particulier pour les prophètes (chrétiens) contemporains et la prophétie. En réalité, le but est d'accoler l'auteur à la ville d'Antioche et aux prophètes alors que le prologue de l'évangile et celui des Actes n'en disent rien afin de le coller pleinement à la mission apostolique, alors que l'homme est plus un scribe lettré. Plus tard encore, on fera de Luc l'un des 72 disciples envoyés en mission par Jésus, ou même l'un des deux disciples d'Emmaüs. Moins que certain aussi est le commentaire du Prologue plaçant l'écriture de l'Évangile et la mort de Luc en Grèce; mais, dans l'ensemble, il est plus probable que les traditions postérieures situant son œuvre littéraire à Alexandrie (ou Rome) et sa mort en Bithynie. Cela reflète probablement le souci de l'Église du IIe siècle de placer tous les écrits canoniques chrétiens sous un parapluie apostolique.

En réalité, on sait peu de choses historiquement fiables sur Luc, et seul les Épîtres de Paul nomment Luc trois fois. Il est appelé «le cher médecin» (Colossiens 4,14), car ses compétences médicales, comme la fabrication de tentes de Paul, ont peut-être contribué à sa subsistance l'un des «collaborateurs» (Philémon 24), cette désignation est la plus significative, car elle l'identifie comme l'un des cadres professionnels des «travailleurs» chrétiens itinérants, dont beaucoup étaient des enseignants et des prédicateurs. L'auteur du deuxième épître à Timothée – est-ce Paul – précise : «Seul Luc est avec moi» (4,11). Dans les Actes, en faisant le récit des voyages de Paul – son personnage principal –, l'auteur emploie le «nous» dans plusieurs passages (16,10-17; 20,5-15; 21,1-18 et 27,1 à 28,16). Il a donc été l'un de compagnons de Paul participant à sa mission. Pourtant il est difficile de faire de lui l'un des proches collaborateurs de Paul, ou son disciple, car, entre les Actes et les Épîtres, les différences sont trop nombreuses, aussi bien dans les événements rapportés que dans la théologie. Que Luc doive être identifié, comme certains érudits le croient, avec le prophète Lucius, originaire de Cyrène, mentionné dans Actes 13,1 et avec le «compagnon de travail» de Paul (et parent) dans la lettre de Paul aux Romains 16,21 est plus discutable.

Probablement à la fin du Moyen-Âge, où toutes les corporations et corps de métiers se plaçaient sous la protection d'un saint patron, les médecins adoptent Luc comme leur saint patron. Dès la création des premières facultés de médecine en France au XIIIe siècle, la rentrée a lieu le 18 octobre, jour de la Saint-Luc, et donnait parfois lieu à de grandes fêtes le célébrant, notamment à la faculté de médecine de Paris.

Et à partir du XVe siècle, la tradition de la rentrée en Faculté de Médecine s'encre définitivement le jour de la fête de saint Luc, le 18 octobre. Plusieurs Facultés de Médecine en France ont leur sceau avec l'invocation à saint Luc. Lors de la création d'un corps constitué de médecins et de chirurgiens attaché aux armées (et par là même du service de santé) en 1708, les premiers médecins enrôlés connaissaient cette tradition et Saint-Luc a été «importé» au sein de la médecine militaire.