Carine d'Ancyre, ou le mythe de l'empereur Julien persécuteur des c...

Ce dimanche, nous fêtons Carine, une jeune chrétienne du nord de l'Asie mineure qui aurait été martyre avec son époux Mélasippe et leur fils Antoine, à Ancyre (Ankara dans la Turquie actuelle). Tous deux ont été mutilés et attachés au pilori devant leur fils, qui n'a pas renié Jésus-Christ malgré la souffrance de ses parents, et il finira décapité. Sous la persécution menée entre 361 et 363 par l'empereur romain Julien l'Apostolat. Au vu des peu de sources sur ces martyrs, certains ont crus qu'ils ont été créés, mais même s'il y a peu d'information sur eux, cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas. Et comme on va le voir cette affirmation de persécution des chrétiens de la part de l'empereur Julien est contestable.

Si dans un premier temps, l'empereur Julien revendique une politique de tolérance en proclamant la liberté religieuse par un édit le 4 février 362 proclamant que chaque religion était égale aux yeux de la loi et a également déclaré que l'empire reviendrait à son mélange éclectique original de religions, et en amnistiant tous les évêques ayant eu des problèmes avec Constance II son prédécesseur, l'opposition résolue des milieux chrétiens et sa volonté inflexible de promouvoir les cultes traditionnels incitent Julien à déclencher une réaction païenne de plus en plus hostile au christianisme notamment par la relégalisation des sacrifices, la réouverture des temples païens et la restitution de leurs biens dépouillés sous Constantin, marquée par l'enlèvement au clergé de certains privilèges comme l'exemption des charges municipales, promulgue une loi solaire qui exclu les maîtres chrétiens de l'enseignement, des mesures d'exclusion comme l'interdiction aux chrétiens d'enseigner la littérature classique qui doivent choisir entre foi et école, le christianisme et l'hellénisme, et rédige des écris pamphlétaires afin de répondre aux apologistes chrétiens. S'inspirant de son passé chrétien, son Roi Soleil ressemble beaucoup au Logos ou au Fils consubstantiel au Père, sa description de la marche Héraclès sur la mer, ressemble beaucoup à celle du Christ marchant sur le lac de Tibériade, et Cybèle est l'équivalent de la Vierge. Aux yeux des chrétiens, l'empereur devient un renégat, un apostat. Il forme aussi sur le modèle de l'épiscopat chrétien, un clergé païen, dont il est le grand pontife, lui adressant des «lettres pastorales» fixant les détails du culte, expliquant les question théologie et recommandant une vie d'austérité, la piété, et la charité, montrant l'exemple comme «un patron des pauvres et des nécessiteux», pour son Église païenne en ayant un souci particulier pour les malades et les pauvres.

Au cours de son voyage en Orient (362-363), sa haine du christianisme se déchaine, attisée par l'hostilité et la moquerie de ses adversaires. Ce qu'il voyait était l'indifférence des païens de Césarée envers l'avancée du christianisme dans la ville et la résilience de ceux de Gaza. Concernant le séjour désagréable de Julien à Antioche, malgré sa mauvaise expérience là-bas, il ne semble pas avoir ordonné l'exécution des prêtres Eugène et Macaire pas plus que celle de deux porte-drapeaux qui auraient refusé de retirer le signe du Christ de leur labarum dont l'historicité est douteuse, puisqu'il se sont en réalité opposés à un édit interdisant la vénération des reliques chrétiennes. Cependant, Julien s'opposait aux violences contre les chrétiens parce que le christianisme s'était propagé aux marges de l'empire et que ces citoyens n'avaient aucune intention d'abandonner ce qu'ils considéraient comme la religion de l'égalité des sexes et de la justice sociale. Il aurait alors annoncé qu'à son retour de Perse, il reprendrait la guerre contre les chrétiens avec une vigueur renouvelée, mais comme il rejetait strictement la violence, cela aurait ressemblé à des mesures d'exclusion et de vexations sociales.

Mais qu'en est-il du martyre de Carine, Mélasippe et Antoine ? En 362, on lui prêtait le martyre du prêtre Basile d'Ancyre, de Gémellus et d'un troisième condamné, Busiris, qui a été épargné grâce à sa femme, mais Julien évitait avec un grand soin de faire des martyrs, mais, personnellement, il s'abstenait. Il laissait facilement prononcer contre les chrétiens des sentences de mort, car c'était avant tout les magistrats qui décidaient ou non de la peine à décider comme le montre la lettre de l'empereur Trajan à Pline le Jeune entre 111 et 112. C'est pendant son séjour à Ancyre que Julien commença, par une loi du 17 juin, — connue le 29 juillet en Occident, — de réformer selon ses idées l'enseignement public. Carine, Mélasippe et Antoine ne furent sans doute pas visé par cette exécution d'un seul homme, alors leur mort eut sans doute lieu vers la fin de l'année 363, car en Palestine beaucoup ont été brûlés vifs, d'autres ont été traînés par les pieds nus dans les rues jusqu'à leur expiration, certains ont été ébouillantés à mort, beaucoup lapidés, et un grand nombre ont eu le crane battue à coups de gourdin. À Alexandrie, innombrables furent les martyrs qui souffrirent par l'épée, les brûlures, la crucifixion et la lapidation. À Aréthuse, plusieurs furent éventrés, et on leur mit du blé dans le ventre, on y fit paître des porcs qui, en dévorant le grain, dévorèrent également les entrailles des martyrs, et en Thrace, Émilien fut brûlé sur un bûcher, et Domitius assassiné dans une grotte, où il s'était réfugié. Si le martyre de Carine, Mélasippe et Antoine a eu lieu c'est sans doute à ce moment-là, où il y eut lieu des lynchages et des exécutions sommaires profitant de l'absence de l'empereur qui préparait sa campagne contre la Perse.

Mais, il décida de se lancer dans une dangereuse campagne contre l'empire sassanide. En route vers la Perse, il s'est arrêté aux ruines du Second Temple de Jérusalem et a ordonné une reconstruction. Cependant, le projet a échoué pour des raisons sur lesquelles les historiens ne peuvent s'entendre. Peut-être que les Juifs de la ville étaient ambivalents envers le projet, ou bien un tremblement de terre a ruiné les plans de l'empereur. D'autres théories incluent le sabotage et l'incendie accidentel. En tout cas, Julien a continué sa route. Il voulait regagner les villes perdues aux mains des Sassanides sous le règne de Constance II. Il a amené une armée de 90 000 hommes avec lui et a remporté un premier succès en battant une plus grande armée perse à la bataille de Ctésiphon, la capitale de l'empire sassanide. Hélas, il n'a pas pu prendre la ville. De plus, son général Procope ne marche pas sur la ville avec ses 30 000 hommes comme prévu. Julien a décidé d'une retraite stratégique, mais il a été mortellement blessé par une lance lancée par l'un des Perses poursuivants lors d'une escarmouche mineure. Il a fait l'erreur de s'entourer de trop peu d'hommes et était également coupable de ne pas porter son armure de combat. Bien que soigné par son médecin personnel, Julien ne put se rétablir et il mourut à Maranga en Mésopotamie le 26 juin 363. Sa mort à 32 ans, l'empêcha de réaliser ce projet.

Pourtant, il ne faut exagérer l'importance de ces controverses religieuses sur le quotidien de l'empire et la vie de ses habitants. C'est la les auteurs chrétiens qui ont prêté à Julien toutes sortes de crimes et à le décrire comme un persécuteur dur et cruel de la chrétiens. De plus, des martyrologies d'historicité incertaine ont de nombreuses irrégularités chronologiques, mais aussi elles sont manipulées et exagérées au point qu'elles localisent même l'empereur exécutant des gens dans des endroits où il n'a jamais mis les pieds, par exemple Rome. Ainsi, on pourrait en déduire que ces «plusieurs milliers de chrétiens [qui] ont perdu la vie à la suite des persécutions de Julien» n'étaient qu'un moyen naturel de salir sa réputation au moyen d'accusations infondées, dont aucune ne peut être imputé à l'empereur païen en raison de preuves insuffisantes. À sa mort en 363, son successeur Jovien abroge ses mesures hostiles aux chrétiens.