Le retour manqué de JFK Jr., ou comment une croyance montre l'absur...

Des adeptes de la mouvance complotiste QAnon se sont réunis le mardi 2 novembre 2021 à Dallas au Texas, espérant être témoins de la réapparition du fils de John F. Kennedy, décédé dans un accident d'avion il y a 22 ans, a rapporté la presse locale. Aux alentours de 13h locales, des centaines de personnes étaient rassemblées à Dealey Plaza au cœur de Dallas, où le président John F. Kennedy a été assassiné en 1963, selon le journal Dallas Morning News. L'une des théories diffusées par la nébuleuse QAnon affirme que le fils de “JFK”, John F. Kennedy Jr, mort en 1999 avec sa femme Carolyn et sa belle-sœur Lauren quand l'avion qu'il pilotait s'est abîmé en mer au large de l'État du Massachusetts, devait réapparaître vers midi, pour annoncer le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Certains membres de cette mouvance pensaient que JFK Jr se présenterait sur un ticket avec Trump en 2020. Donald Trump devait alors devenir “le roi parmi les rois” assurait une publication postée lundi sur un compte QAnon. Las, la révélation n'a pas eu lieu et, quelques heures plus tard, la pluie avait dispersé les derniers partisans de QAnon. Cette théorie est du même ressort que lorsque certains complotistes soutiennent qu'Hitler ou Elvis Presley seraient toujours en vie.

Cette croyance date au moins de 2018, relatait «Rolling Stones» en 2019. Sur un forum QAnon et sur le forum 8chan, un certain «R» avait commencé à laisser entendre que JFK Jr. a simulé sa mort car il était la cible des membres d'un nébuleux «État profond». Plus loin encore, il serait même le fameux «Q», censé être un haut fonctionnaire américain proche de Donald Trump et auteur des énigmatiques messages sur lesquels s'appuient ses adeptes pour élaborer leurs théories. Des preuves ? Aucune n'est apportée. Des adeptes de QAnon avaient également partagé une citation attribuée au jeune Kennedy et qui aurait été publié dans le magazine «George», créé par JFK Jr., en juin 1999, soit un mois avant sa mort. «Si mon cher ami Donald Trump décidait un jour de sacrifier sa fabuleuse vie de milliardaire pour devenir président, il serait une force inarrêtable pour une justice ultime que les républicains comme les démocrates célébreraient», aurait-il assuré, clament les complotistes. Le site Politifact a par la suite expliqué qu'il n'y avait aucune trace d'une telle déclaration dans «George». Qu'à cela ne tienne, les théories fumeuses des adeptes de QAnon sont à l'épreuve des faits et des vérifications, et la citation continue à ce jour de circuler. Comme le souligne «Rolling Stones», certains complotistes sont mêmes persuadés d'avoir démasqué le JFK Jr. caché, qui serait en fait un certain Vincent Fusca, un supporter de Trump participant souvent aux meetings de l'ancien président et dont la ressemblance avec JFK Jr. est pour le moins... inexistante. Le rassemblement de mardi à Dallas n'était pas une première. En juillet 2019, les complotistes étaient également convaincus que JFK Jr. ferait son apparition aux côtés de Donald Trump et qu'il deviendrait même son vice-président. Sans surprise, aucune miraculeuse résurrection n'avait eu lieu à cette occasion non plus.

Le journaliste américain Will Sommer, qui a consacré un livre à la mouvance complotiste, estime qu'environ 20 % des adeptes de «Q» croient à la «théorie JFK Jr.». «Il est difficile de savoir qui est le plus dangereux entre ceux qui croient en [cette théorie du complot] et ceux qui n'y croient pas», a-t-il expliqué cet été au média britannique «The Independent». La théorie du complot JFK Jr. est loufoque, même selon les standards QAnon, assure-t-il. «Il y a une dynamique amusante dans QAnon avant JFK Jr. et d'autres choses, où ils disent “Oh, je crois que les élites du monde boivent le sang des enfants”, et ce genre de choses, mais “Woah, la théorie JFK Jr. est délirante !”», remarque-t-il, expliquant que certains complotistes sont même «embarrassés» par cette croyance. Pour comprendre ce rassemblement, il faut rappeler que QAnon a une particularité par rapport aux autres mouvances complotistes : il fait des prévisions très précises sur l'avenir, régulièrement contredites par les faits. Ensuite, il conteste la défaite de l'ancien président Donald Trump à l'élection présidentielle de 2020. Malheureusement à ce qu'on peut voir, le fait qu'une partie d'entre eux se soient déplacés, présentés à visage découvert et exposés potentiellement à la honte d'une prophétie qui ne se réalise pas est un bon indicateur. Cet engagement physique réel, et pas seulement numérique, semble indiquer qu'une partie des individus mobilisés croit à la réalité du propos. Ces complotistes ont très vite réagit à la non-réalisation de la prophétie. Les complotistes de QAnon se sont mis à produire des récits alternatifs : certains ont avancé que le défunt pouvait se cacher parmi eux, dans la foule, d'autres ont évoqué une apparition à venir, lors d'un concert des Rolling Stones. La succession d'échecs des prophéties rend probablement le mouvement moins attractif de l'extérieur, pour ceux qui l'observent depuis la marge. Mais de l'intérieur, la réalité est bien différente comme on peut le voir.

Née en 2017 aux États-Unis, la mouvance QAnon tire son nom de messages énigmatiques postés par un certain “Q”, censé être un haut fonctionnaire américain proche de l'ancien président américain Donald Trump. La nébuleuse QAnon est notamment un tenant d'une théorie selon laquelle Joe Biden et les démocrates font partie d'un complot mondial sataniste et pédophile. Au fil des années, ces théories ont convaincu de plus en plus d'Américains, et le FBI surveille ce groupe d'extrême-droite, considéré comme potentiellement dangereux. Nombre de militants QAnon figuraient ainsi parmi la foule ayant attaqué le Capitole le 6 janvier. Mais QAnon est structuré autour de figures extrêmement suivies sur les réseaux sociaux et c'est par ce biais qu'ils ont pu organiser ce rassemblement. “La foule très importante réunie pour la réapparition de JFK Jr. après sa mort simulée n'est pas quelque chose de drôle”, a réagi le sénateur démocrate du Connecticut Chris Murphy sur Twitter. “C'est un signe extrêmement inquiétant de la façon dont le débat politique s'est complètement détaché de la vérité”, a-t-il souligné. Et cette inquiétude semble fondée puisque d'après l'enquête annuelle réalisée par PRRI (Public Religion Research Institute), 17% des Américains sondés croient aux principales théories de QAnon : "21% d'Étasuniens sondés par PRRI croient qu'une prochaine tempête renversera les élites et restaurera les chefs "justes", 18% croient que les gouvernements et médias sont contrôlés par des pédophiles satanistes, 18% croient qu'ils devront user de violence pour sauver le pays", écrit le spécialiste des États-Unis, Cotentin Sellin. Dans le même temps, 16% pensent que la dernière élection a été volée à Donald Trump. Inquiétant.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/rassemblement-de-complotistes-qanon-a-dallas-ne-pas-regarder-ce-genre-d-evenement-avec-serieux-serait-prendre-un-risque_4832939.html, https://www.franceinter.fr/monde/pourquoi-des-centaines-de-complotistes-ont-attendu-en-vain-le-retour-du-fils-decede-de-kennedy-a-dallas, et https://www.nouvelobs.com/etats-unis/20211103.OBS50602/d-ou-vient-la-croyance-de-certains-complotistes-de-qanon-sur-le-retour-du-fils-decede-de-jfk.html.

Merci !