La Saint-André, ou comment en venir d'un apôtre à des fêtes profanes

Aujourd'hui nous fêtons la Saint-André. Elle prend pour base André qui est un patron pêcheur, originaire de Bethsaïde, sur le lac de Génésareth, et le frère de Simon-Pierre, contrairement à ce dernier il porte un nom grec, exaltant le courage viril répandu dans les milieux juif hellénisés, ce qui montre que sa famille était ouverte aux influences extérieures. Durant le ministère de Jésus, il résidait à Capharnaüm, dans la maison qu'il partageait avec Pierre. En s'accordant sur le 4e évangile, les deux apôtres rencontrèrent Jésus quand lui était disciple de Jean le Baptiste, d'où son surnom de 'premier appelé'. À part la liste des apôtres, où dans Luc 16,14 et  Matthieu 4,18-22 il est à la seconde place après Pierre, tandis que dans Marc 3,16, il est à la quatrième place après Jacques et Jean, et un couple d'anecdotes, les évangiles ne nous disent pas grand-chose sur lui, à part qu'il est mis en scène dans la multiplication des pains (Jean  6,5-9), Marc 13,3 l'associe au groupe restreint de ceux qui reçoivent l'annonce des persécutions à venir, et qu'il parle grec, ce qui explique qu'il ait servi de rôle d'intermédiaire entre Jésus et des visiteurs grecs hellénophone (Jean 12,22), et qu'il est associé à Philippe, lui aussi originaire de Bethsaïde, sur qui il a la prééminence. Il fuit lors de l'arrestation de Jésus, et retourne en Galilée, où il voit Jésus relevé d'entre les morts comme le signale Marc 16,7, Matthieu 26,28-20 et Jean 21,1-23, ou reste à Jérusalem avec les Douze selon Luc 24 ou Jean 20 avant de revenir en Galilée. Et il fait partie des Douze qui mettent en place la communauté naissante dans Actes 1,13 (où il est placé à la quatrième place après Jacques et Jean), et il est présent lors de la Pentecôte (Actes 2,1, 2,14 et 2,37). Après, on ne sait plus rien de lui. L'historien de l'Église Eusèbe (IVe siècle) attribue à André l'évangélisation de la Scythie, et les légendes chrétiennes relatent qu'il a été crucifié en Achaïe en Grèce. Mais le fait qu'il soit associé à Philippe, monterait plutôt qu'il aurait évangélisé en Asie Mineure (Cilicie, Galatie et Phrygie), au moment où Paul la traversa en fortifiant les Églises qu'il avait fondé, sans doute faisait-il partie de ces hommes de Judée qui s'opposèrent à ce dernier sur la question de la loi de Moïse, car ce dernier s'éloignait considérablement de l'enseignement juif de Jésus (Actes 15,5). Pour la suite, on ne sait pas s'il est mort martyr, même si l'évangile peut le signifier, mais ce ne devait pas être en Achaïe, mais plutôt à Bethsaïde qui fut détruite en 67 en même temps que d'autres villes de Galilée au cours de la guerre contre les Romains, ou encore à Capharnaüm.

 

Au Moyen Âge, plusieurs contrées le désignent comme leur saint patron, de la Grèce à la Russie, en passant par l'Écosse et la Bourgogne. En France, l'expansion de son culte s'est accompagnée d'un développement iconographique considérable. Réciproquement, les images qui mettent en scène l'apôtre ont elles-mêmes alimenté et soutenu cette expansion. La fête de saint André, célébrée au 30 novembre, est apparue à une date très ancienne en Occident, au IVe siècle. Dans les églises de toute l'Europe, le dernier jour de novembre est un jour pour se souvenir de l'apôtre qui a donné sa vie pour répandre la Bonne Nouvelle. À Patras (construite sur les rives de la mer Ionienne et la troisième plus grande ville de Grèce), la cathédrale Saint-André près de la mer, est remplie de fidèles, qui se déversent ensuite dans les rues pour la procession dramatique et colorée où le des reliques (logées dans un sanctuaire en argent) et l'icône (peinture sainte) de saint André sont portées, accompagnées de chants et de prières. Plus à l'ouest de la Méditerranée, sur la côte sud-ouest de l'Italie, face au golfe de Salerne, se trouve le pittoresque port d'Amalfi. Là, la cathédrale Saint-André, assise au sommet de marches raides et larges, scintille de mosaïque d'or. A l'intérieur, se trouvent les reliques du saint et sa magnifique statue en argent qui est ensuite réalisée dans les rues et les places d'Amalfi pour célébrer la fête de la Saint. Aujourd'hui, la magnifique cathédrale Saint-André du XVIIIe siècle à Kiev, avec ses murs blancs et bleu pâle, ses dômes en oignon vert bordés d'or, se dresse là où de nombreuses églises antérieures ont été construites pour commémorer le sommet de la colline où Saint-André aurait érigé la première Croix chrétienne. De nombreuses églises en bois y ont été construites, détruites par des armées en maraude ou simplement démolies. Ici, la fête de la Saint-André est encore célébrée chaque année.

 

En Roumanie, c'est le moment des rituels magiques pour éloigner les mauvais esprits et purifier la terre et le peuple. L'arme secrète est l'ail, consommé la veille de la Saint-André lors d'un repas commun, soit sous forme de clous de girofle entiers, soit en sauce. Des gousses d'ail sont placées stratégiquement à côté des portes, des fenêtres et des cheminées. Beaucoup de gens croient que Saint-André est le saint patron de la Pologne. En fait, il s'agit de Saint Casimir Jagiellon (1458-84). Cependant, le dernier jour de novembre en Pologne est une nuit de jeux charmants et légers où les filles peuvent chercher des maris et se faire dire la bonne aventure. En Bulgarie, la Saint-André est connue sous le nom d'Edrei (Fête de l'Ours). L'histoire raconte que Saint-André s'est plaint à Dieu qu'il n'avait pas de jour de fête, alors Dieu lui a dit que tout homme qui ne célébrerait pas la Saint-André devrait porter son propre cheval ! Autrefois, les femmes au foyer jetaient du maïs bouilli sur le feu pour empêcher les ours de ruiner leurs récoltes. Une légende raconte qu'une méchante belle-mère a été punie en transformant sa fille en ours. En Ukraine, la Saint-André est célébrée le 13 décembre avec des divinations et des fêtes où crêpes et pâtisseries étaient utilisées pour des jeux censés aider les filles à trouver un mari. C'était aussi l'époque des farces espiègles telles que mettre une charrue sur le toit d'une maison ou retirer une porte de ses gonds - toutes les traditions préchrétiennes liées à la parade nuptiale et au mariage. Le folklore allemand conseille aux femmes célibataires qui souhaitent se marier de demander l'aide de Saint André. La veille du 30, si elles dorment nues, elles verront leurs futurs maris dans leurs rêves. Les jeunes femmes doivent également noter l'emplacement des aboiements des chiens la veille de la Saint-André, car leurs futurs maris viendront de cette direction.

 

Enfin, Entre la saint André française et la saint André de la Silésie, il y avait une pratique commune, celle du jet de chaussure : «il arrivait aussi que les filles jettent une chaussure pardessus leur épaule : si elle retombait sur la pointe (surtout pas sur le talon !) et tournée vers la porte, elle avait de grandes chances de se marier dans l'année. De la même façon, elles jetaient une épluchure entière de pomme ; il suffisait de deviner quelle lettre dessinaient les circonvolutions de l'épluchure pour avoir l'initiale de l'heureux élu». Les jeunes se livraient à toutes sortes de prédictions, à partir des trois gobelets, des aiguilles afin de connaître leur avenir, tout cela se déroulait dans la bonne humeur, entre  danse, gâteaux, jus de fruit et bières brunes, etc...Ces pratiques prédictives sont certainement communes à de nombreuses régions et pays où l'apôtre  André eut mission de convertir les païens.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures : Geza Vermes, Dictionnaire des contemporains de Jésus, Bayard, 2008, Enrico Norelli, La naissance du christianisme : comment tout a commencé, Bayard, 2015, Armand Puig i Tàrrech, Jésus : Une biographie historique, Desclée de Brouwer, 2016, Marie-Françoise Baslez, Jésus : Dictionnaire historique des Évangiles, Omnibus, 2017, http://www.chartes.psl.eu/fr/positions-these/culte-iconographie-saint-andre-france-ve-xve-siecle, http://www.noelistique.com/noel-2012/articles-1/saint-andre.html, et https://www.scotland.org/features/st-andrews-day-tales-and-traditions.

 

Merci !