Lucie de Syracuse, une martyre révérée en Italie et dispensatrice d...

Aujourd'hui, nous fêtons la Sainte-Lucie, qui avant la réforme du calendrier grégorien, au XVIe siècle, tombait le jour du solstice d'hiver (21 décembre), soit le jour le plus court de l'année. Même si La Passion de Lucie à Syracuse à la crédibilité douteuse qui inspire en grande partie cette fête ne fournit pas de dates précises, on peut y dégager quelques éléments historiques.

Lucie est née en Sicile, d'une noble famille, vers la fin du IIIe siècle. Lucie accompagna sa mère Eutychia auprès de la tombe de sainte Agathe de Catane pour obtenir la guérison de celle-ci. Marquée par cette visite, la jeune fille refusa de se marier, renonça à tous ses biens en faveur des pauvres pour se consacrer toute entière à Dieu. Cette donné historique est plutôt fiable puisqu'entre le IIIe et le IVe siècle des jeunes femmes et des jeunes filles s'engagent dans une vie chaste, nous avons les exemples de Jacques, un chrétien de Numidie remarqué par son austérité, d'Emilien, chevalier romain de Cirta, qui mena une vie de prière et de jeune dans une complète chasteté, Marcienne de Cherchel qui s'est éloignée de la ville pour vivre complètement recluse, ou comme Séleucos, un officier supérieur qui distribua ses biens aux pauvres et ayant pris sa retraite, ce dernier prit soin des victimes de la persécution avant son martyr, Sylvain de Gaza qui vivait dans la prière, le jeûne et l'étude de la Bible, et Pamhile de Césarée avait mis en commun ses biens pour ceux qui en avaient besoin. De plus l'engagement de Lucie est celui des vierges consacrées qui avaient une place spéciale dans les liturgies et on les distinguait à l'extérieur par le port du voile, qui les assimilait à une femme marié, et la plupart des textes les maintiennent sous l'autorité de leur mère, ce qui peut expliquer pourquoi on insiste dans sa Passion sur sa mère Eutychia. Dénoncée, elle fut traduite devant le gouverneur de l'île, Pascasius, qui la somma de sacrifier aux idoles, devant son refus, elle fut alors emprisonnée, torturée puis décapitée. Son martyr eut sans doute lieu lors de la Grande persécution lors du 4e édit de 304 publié par Dioclétien après s'être remis d'une maladie grave à Nicomédie, qui impose à tous les habitants de l'Empire de sacrifier aux dieux du paganisme sous peine de mort ou de déportation aux mines. Mais, comme on peut le voir la Sicile fut touchée avec l'exemple Euplos de Catane, en Sicile, mort décapité en août 304 pour avoir refusé de livrer les livres, après s'être présenté spontanément au tribunal, le martyr de Lucie semble plutôt proche de celui de Critina, une chrétienne de très noble origine de Théveste – Tébessa, dans le sud de l'actuel Constantinois algérien, que le proconsul Anullinus, tente de convaincre de sacrifier aux dieux, en faisant alterner intimidation et persuasion, ce qui entraîna habituellement de nombreuses défections, mais elle refusa de se soumettre aux injonctions du gouverneur et fut décapitée. La torture avant la mort n'était pas inhabituelle comme le montre le calvaire d'un groupe de quarante-neuf fidèles – trente et un hommes et dix-huit femmes – originaires d'Abitinae, au sud-ouest de Tunis, qui après de longs interrogatoires, furent soumis à la torture avant d'être jetés en prison. Ainsi s'il faudra attendre la fin du Ve siècle pour trouver trace d'un martyrium de la sainte, le culte de Lucie est bien attesté dès la seconde moitié du IVe siècle.

La dévotion à la sainte sicilienne est souvent centrée sur la lumière, offrant aux fêtards d'autrefois une raison de se rassembler, pour brûler des bougies et des torches et profiter d'une abondance de nourriture et de boissons, elle est très forte en Suède mais aussi dans certaines régions d'Italie, notamment dans le Trentin et dans les provinces d'Udine, Bergame, Brescia, Crémone, Lodi, Mantoue, Plaisance, Parme, Reggio Emilia et Vérone, où cette croyance est répandue, mais aussi dans les régions les plus septentrionales de l'Europe, la venue de la vierge chrétienne est attendue avec impatience par les enfants car Sainte Lucie apporte les cadeaux à la place du Père Noël. La tradition est probablement aussi due à la tentative de séparer la date de remise des cadeaux aux plus petits (13 décembre) de celle de la naissance de Jésus qui parvient ainsi à représenter, même pour les enfants, la fête de l'anniversaire de Jésus et non celui du "déballage" païen. Les familles italiennes se réunissent généralement le 13 décembre pour un délicieux repas de caserecce (littéralement pâtes faites maison, les viandes rôties et les sucreries légères). Même si la dévotion au Père Noël s'est généralisée, Dans le nord de l'Italie, l'attente du Saint est entourée d'une atmosphère magique et la fête s'accompagne d'une série de rituels qui sont fidèlement respectés et commencent début décembre avec des enfants plus âgés ou des proches sonnant des cloches dans les rues des villes et à l'extérieur. les fenêtres pour "avertir" que la Sainte monte son âne pour vérifier la bonne conduite de ses petits "clients". Souvent le son de la cloche laisse aussi une trace de bonbons, notamment ceux de sucre enveloppés dans des papiers rouges et verts appelés légumes. Même à Santa Lucia, les enfants écrivent la lettre avec les demandes et le soir du 12, ils préparent une assiette avec des biscuits et un verre de vin santo pour Lucia et une poignée de paille (maintenant c'est presque toujours la farine jaune la plus disponible) et une carotte pour l'âne qui doit porter les sacoches classiques débordant de paquets. Avant d'aller dormir, la préparation s'achève en posant sur le sol, dans une pièce commune de la maison, un drap blanc sur lequel seront déposés les cadeaux. À ce stade, le sommeil est indispensable car les enfants savent bien que ceux qui sont éveillés et par hasard peuvent voir le Saint recevront une poignée de cendres dans les yeux qui les empêcheront non seulement de voir mais aussi de se souvenir le lendemain matin. Presque partout, les cadeaux apportés par Sainte Lucie sont présentés avec une chorégraphie rigoureuse et fascinante qui prévoit que les jeux soient rigoureusement ouverts, déballés et, si nécessaire, montés et entourés de sous en chocolat , de légumes verts et de charbon de bois doux.

Dans le sud de l'Italie, Sainte Lucie est honorée par des défilés et des fêtes religieuses plus traditionnelles. La ville natale de la sainte, Syracuse, a commencé les célébrations la veille en déplaçant sa statue de sa chapelle au maître-autel de sa cathédrale éclairée aux chandelles. Lors des célébrations qui durent 13 jours, celles qui précèdent le 13 décembre, une grande joie se répand dans les rues de la ville, démontrant la grande fierté qu'ont les Syracusains de pouvoir se vanter d'un concitoyen aussi important. Enfin, le 12 décembre, le simulacre d'argent de la Sainte, conservé dans une niche de la cathédrale de la ville, est déplacé dans une chapelle où il restera jusqu'au lendemain. Et le 13 décembre, une procession de 60 hommes portant des bérets verts transportera Sainte Lucie dans toute la ville, faisant des arrêts dans les cathédrales les plus importantes et enfin dans la mer Ionienne. Après avoir été exposée pendant une semaine, une autre joyeuse procession la ramènera chez elle, affectueusement appelée La Cameretta. En raison des dispositions anti-Covid, cette procession n'a pas eu lieu en 2020.