La Saint-Étienne et la Saint-Famille, deux fêtes consacrées aux déb...

Aujourd'hui, nous célébrons la fête de saint Étienne, premier martyr du christianisme, célébré au lendemain de Noël. En France, seules l'Alsace et la Moselle sont concernées.

Étienne dont le nom veut dire 'couronne' (Stéphanos), est issu du judaïsme alexandrin, il est l'un des sept diacres choisis pour servir la table (Actes 6,5-7), qui selon les Actes des Apôtres étaient censé seconder les apôtres dans le service de la charité auprès des convertis de langue grecque, ce qui cache mal l'apparition d'un groupe de responsable de la communauté chrétienne prêchant l'évangile en grec. Ce groupe faisait partie des 'Hellénistes', un groupe particulier de l'Église de Jérusalem, des juifs hellénisés (parlant grec), issus de la diaspora juive er venus vivre dans la ville sainte, qui avaient face au Temple, une position radicale que les croyants judéens estimant que Dieu n'habitait pas des demeures faites par des hommes. Étienne ne tarde pas à démontrer une sagesse percutante à laquelle bien des Juifs sont incapables de répliquer, à cela s'ajoute qu'il est un inspiré, un visionnaire qui tient des propos apocalyptique (Actes 7,55-56). Il est calomnié par d'autres Hellénistes au sein d'autres synagogues issues de la Diaspora du fait qu'il profère des paroles blasphématoire contre la Loi de Moïse, mais cela venait surtout du fait qu'en dépréciant la Loi, Étienne mettait à mal les privilèges obtenus par les pouvoirs publics aux différents établissement de la diaspora dans l'Orient romain (Actes 7,53), puis il est déféré devant le Sanhédrin, et sera lapidé pour avoir exposé sa foi (Actes 6,57-58). Sa mort déclenche une persécution contre les Hellénistes qui fuient Jérusalem pour se réfugier dans la ville d'Antioche sur l'Oronte, où ils inaugurent une mission destinée aux non-juifs (Actes 11,19-26).

Au Portugal, en cet honneur a lieu la Festa dos Rapazes (La Fête des Garçons), ou Festa de Santo Estevao (La Fête de Saint-Étienne), qui se déroule dans le nord du Portugal du 24 au 26 décembre. Cette fête est un rite de passage pour les garçons. Pour participer, ils doivent avoir plus de 16 ans, être célibataire et n'avoir jamais participé avant. Entre Noël et l'Épiphanie, ils vont de maison en maison, portant de beaux masques, demandant des dons ou de la nourriture et jouant de la musique. Après quoi, ils sont considérés comme des hommes. Ces hommes masqués, appelés caretos, semèrent un désordre absolu dans le village de Varge, à Trás-os-Montes, secouant les femmes, symbolisant leur retour à la terre fertile. Du 24 au 26 décembre, les jeunes du village rentrent chez eux pour participer à cette fête et perpétuer la tradition. Le 24 décembre, une réunion de garçons célibataires est organisée où ils préparent en secret ce qui va se passer. Le 25 décembre, après la messe de Noël, les garçons apparaissent habillés en Caretos, sautant, criant et riant au son de leurs hochets et d'un cornemuseur accompagné d'un tambour et d'une caisse claire. Du foin est jeté sur les gens, les filles sont «rasées», l'eau des sources est aspergée et les animaux sont taquinés. Une autre tradition est le «chant des louanges», où les événements et les comportements des habitants du village sont critiqués ou ridiculisés au cours de l'année. Ils chantent également des «loas», des chansons qui charrient les habitants et leurs coutumes, et vont de porte à porte, dégustant les offrandes des villageois. À la fin de la journée, une course est organisée et tout se termine par un dîner et une soirée dansante où filles et garçons sont symboliquement réunis.

Dans le village Trás-os-Montes d'Ousilhão, dans la municipalité de Vinhais, la fête des garçons est également célébrée en l'honneur de Santo Estevão les 24, 25 et 26 décembre. Le festival comprend la présence de Caretos, qui applaudissent avec leurs élans, leurs méfaits et leurs cliquetis, se promenant dans le village, générant le chaos parmi la population après les messes et faisant leurs tournées traditionnelles à la recherche d'offres de saucisses. Les Caretos conservent ainsi leur rôle de figure diabolique qui libère toutes les énergies contenues et annonce une nouvelle année. Les villageois préparent leurs maisons avec une table bien remplie de nourriture et de boisson pour recevoir les jeunes gens du village qui représentent les «bons visiteurs» et les Caretos qui représentent les «mauvais visiteurs».

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Marie-Françoise Baslez, Bible et Histoire. Judaïsme, hellénisme, christianisme, éd. Fayard, 1998, Roselyne Dupont-Roc, et Antoine Guggenheim (dir.), Après Jésus : l'invention du christianisme, Albin Michel, 2020, https://www.escapadarural.pt/blog/tradicoes-curiosas-do-natal-em-portugal/, https://www.govoyages.com/blog/traditions-noel-dans-le-monde/, et https://www.idealista.pt/fr/news/style-de-vie-en-portugal/2018/12/11/223-6-traditions-de-noel-portugaises-ne-pas-manquer#Les%C2%A0Caretos+de+Varge.

Aujourd'hui, nous fêtons également la famille de Jésus, cette grande oubliée de l'histoire.

D'un point de vue historique, il ne fait plus de doute que Jésus a eu des frères et des sœurs. D'autant plus que les familles juives de l'époque aimaient avoir de nombreux enfants, signe de la bénédiction de Dieu. Les parents ont eu une forte influence sur leurs enfants. Joseph, le père, était un nazoréen messianique aux fortes convictions nationales, sans doute lié à un messianisme nationaliste qui s'est changé en une résistance non violente après la ville de Sepphoris fut assiégée et brûlée par le général romain Varus en 4 avant J.-C., et qui semble n'avoir pas eu une pensée patriarcale puisqu'il accepta pleinement Marie comme une mère messianique dans Matthieu1,18-25. Pour faire vivre sa famille, son métier d'artisan le poussait à aller aux villages alentour et à Sepphoris pour travailler, ce qui permettait à la famille de Jésus d'être relativement aisée grâce cette profession qui était relativement recherché dans la société juive. Marie, la mère, ça devait être une femme forte, qui a marqué l'identité du fils, comme semblent le supposer les évangiles de la petite enfance, qui la présentent en dialogue avec Dieu (Luc 1,26-38) et lui offrent présence protectrice envers l'enfant (Matthieu 2); elle a ensuite rejoint le mouvement de Jésus puis l'Église naissante (Jean 19,25-27, et Actes 1,13-14), étant honorée comme la Gebîrá, la mère messianique (Luc 1,43). La famille de Jésus devait sans doute aussi compléter ses revenus dans l'agriculture. Elle était donc économiquement établie pour lui apprendre à lire et à écrire et l'instruire dans la connaissance des écritures bibliques.

Certains de ses frères «ont joué un rôle non négligeable dans la jeune communauté chrétienne». Si de nombreuses incertitudes entourent le Jésus «historique», les textes les plus anciens indiquent qu'il avait des frères et des sœurs. Le Nouveau Testament en dénombre six au minimum : Jacques, Joset, Jude et Simon (Marc 6,1-6 et Matthieu 13,53-58), nommés d'après les patriarches d'Israël; les sœurs, si elles sont mentionnées, ne sont jamais nommées. Les relations que Jésus a entretenues avec sa famille ont apparemment été marquées par le conflit, cependant cela suggère une certaine association entre Jésus et ses frères puisque Luc ne semble pas montrer d'opposition, ce qui semble montrer un soutien de ses frères. Le jour de la crucifixion, de sa famille proche, seule Marie est présente. De fait, la famille de Jésus a pu se préoccuper du sort qui le guettait, à une époque où les agitateurs avaient tôt fait d'être mis à mort. Pourtant, après la mort de Jésus, certains de ses frères assumeront d'importantes responsabilités dans le mouvement chrétien. Ils font partie à de l'Église naissante (Actes 1, 13-14).

Marc s'est opposé à leur prétention (Marc 3,20-35), mais trois référence à Jacques dans Actes 12,17, 15,13 et 21,18 semble montrer qu'elles étaient valables, mais Paul reconnaît leur importance et leur donne le titre honorifique de "frères du Seigneur" (1Corinthiens 9.5) et de "frère du Seigneur" à Jacques (Galates 1,19) à Jacques dont il se réfère à 3 reprises sans ce qualificatif (Galates 1,19, et 2,9.12), le frère le plus connu, qui apparaît plus tard dans l'Église comme un juif pieux, dans une lignée nationale, vouée à la culture de la Loi et à la prière, et certains ont pensé que Jésus lui-même devait avoir instruits sur cette ligne, ce qui semble montrer que Jacques aurait la direction de la communauté chrétienne après la mort de Jésus et qu'il amena la nomination d'Anciens pour reproduire la structure des synagogues. De plus, il semble que Jacques n'était pas sans instruction, mais un érudit messianique, expert en interprétations de la «Loi». Cela peut expliquer pourquoi Luc 1,43 peut présenter Marie comme la Gebîrá ou Mère du Seigneur, et pourquoi le grand-prêtre Anne se débarrassa de Jacques en 62 du fait de sa popularité et de la peur qu'il se rapproche des zélotes, prêchant la lutte armée contre les Romains. L'importance de la famille est telle que Siméon, cousin de Jésus, fut élu évêque de Jérusalem après la mort de Jacques, dirigeant le même groupe fidèle à la Loi avec selon Hégésippe au IIe siècle des 'frères du Sauveur selon la chair', qui serait mort par crucifixion sous Trajan, même si ce martyr serait plutôt à mettre sous les règnes de Vespasien, Titus ou Domitien, ou encore le présence des petit-fils de Jude, le frère de Jésus qui furent dénoncés à l'empereur Domitien et furent acquittés. Enfin, un certain Conon victime de la persécution de Dèce entre 250 et 251, se disait du village de Nazareth en Galilée et de la famille de Jésus, serait le dernier membre connu de celle-ci.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Marie-Françoise Baslez, Bible et Histoire. Judaïsme, hellénisme, christianisme, Fayard, 1998, et Jésus : Dictionnaire historique des Évangiles, éd. Omnibus, 2017, Helen K. Bond, The Historical Jesus: A Guide for the Perplexed, A&C Black, 2012, Xavier Pikaza, Historia de Jesús, Verbo Divino, 2013, Simon Claude Mimouni, Jacques le Juste, frère de Jésus de Nazareth. Histoire de la communauté nazoréenne / chrétienne de Jérusalem du Ier au IVe siècle, Bayard, 2015, Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim (dir.), Après Jésus. L'invention du christianisme, Albin Michel, 2020, https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2020/12/27/ce-que-l-on-sait-des-freres-et-s-urs-de-jesus_6064581_6038514.html, et https://www.letemps.ch/culture/gens-jesus-fils-marie-joseph.

Merci, bonne Saint-Étienne et Sainte-Famille !