La Saint-Jean, d'un apôtre à l'image d'une communauté devenu le saint de l'hiver

Aujourd'hui nous fêtons la Saint-Jean, mais plutôt son personnage composite mélangeant "Le disciple que Jésus aimait", Jean, le fils de Zébédée, frère de Jacques dit le "majeur", et les compositeurs du quatrième Évangile, des trois Épîtres et aussi de l'Apocalypse.

 

Jean et son frère aîné Jacques travaillent dans l'entreprise de pêcherie de leur père Zébédée, qui employait des 'salariés', lié avec Simon-Pierre qui est lui aussi patron de pêche, et ils s'avéraient avoir un mode de vie relativement aisé car la pêche sur le lac de Génésareth était avant tout lié à l'exportation permettant d'avoir de grandes infrastructures. Avec son frère Jacques et Pierre, il partageait une proximité particulière avec Jésus, puisque dans Marc 3,16-17, ils sont les premiers de la liste des Douze et dont Jésus change le nom les surnommant 'Boanergès', c'est-à-dire 'les 'fils du tonnerre' dans Marc 3,17 sans doute à cause de leur caractère enlevé puisqu'ils demandent à Jésus de faire tomber le feu du ciel sur un village samaritain peu accueillant dans Luc 9,54, de remettre à l'ordre un homme qui pratique des exorcismes au nom de Jésus, ce qui pousse ce dernier à la remettre à l'ordre dans Marc 9-38-39 et Luc 9,49-50, et de siéger à sa droite et sa gauche, mais Jésus freine leur ardeurs dans Marc 10,35-45 et Matthieu 20,28, ils sont aussi présents à la résurrection de la fille de Jaïre dans Marc 5,5 et Luc 8,51, lors de la Transfiguration dans Marc 9,2, Matthieu 1,17 et Luc 9,28-33, Jésus prédit son martyr avec celui de Jacques dans Marc 10,35-45, ont le droit avec Pierre et André au discours sur le fin du monde de Jésus dans Marc 13,3 et son présents à Gethsémani dans Marc 14,33-38 et Matthieu 26,37-41, et parmi les 7 Disciples auxquels Jésus apparaît dans Jean 21,2. Jean est mentionné avec Jacques et dans Actes 1,13, avec les Douze lors de la Pentecôte dans Actes 2,14, et avec Pierre seulement dans Actes 3,1-11 prêchant avec lui au Temple, et Actes 4,1-23, où ils sont interrogés par le grand prêtre, emprisonnés puis relâchés, et sont envoyés en Samarie dans Actes 8,14 sans doute pour reprendre en main les communautés fondés par les Hellénistes ce qui peut expliquer que la communauté johannique est associée à un courant samaritain, puisque son frère Jacques sera mis à mort par Hérode Agrippa 1er en 44 (Actes 12,2), il est désigné dans Galates 2,9 (un épisode donné par Paul entre 48 et 49) parmi les 'colonnes' de l'Église, après Jacques, le frère du Seigneur et Pierre, remplaçant son frère dans son activité démagogique et rassembleuse de foule dangereuse pour l'ordre romain et digne des prophètes de l'apocalypse de cette période. Enfin, on dit à partir de la moitié du IIe siècle qu'il aurait évangélisé l'Asie, sans doute faisait-il partie des quelques hommes, venus de la Judée, qui exigeaient des communautés fondées par Paul l'observance de la loi de Moïse (Actes 15,1 et 15,6) et serait mort de vieillesse à Éphèse sous l'empereur Trajan. Mais selon, une tradition plus antique, il aurait été martyrisé plus tôt, sans doute à Jérusalem entre 66 et 70 puisque de nombreux juifs se sont réfugiés pendant ou après la Guerre juive de 66-70 dans la province d'Asie, où il y avait d'importantes implantations juives, et il n'est pas impossible que des membres du groupe de Jean, fils de Zébédée étaient arrivés à Éphèse avec son enseignement.

 

Cette communauté johannique semble avoir été marqué par le 'disciple que Jésus aimait' d'une empreinte décisive, tant au plan littéraire que dans le domaine théologie. Mais le chapitre de l'évangile de Jean le présente comme une autre personne que Jean, fils de Zébédée, dont l'identification remonte à Irénée (vers 180 de notre ère) et a été intégrée à l'histoire officielle de l'Église d'Eusèbe au début du IVe siècle. Il n'apparaît qu'à Jérusalem, durant la Cène dans Jean 13,23, c'est lui qui penche sa tête sur la poitrine de Jésus, il semble avoir des relations sacerdotales dans Jean 18,15, Jésus lui confie sa mère au pied de la croix dans Jean 19,26, il court avec Pierre au tombeau vide et «croit» dans Jean 20,1-20 et est présent lors de l'apparition de Jésus dans Jean 21. Son autorité n'est pas celle des Douze, et dans le seul texte que nous ayons qui mentionne Marie «après la croix», elle est regroupée avec les frères de Jésus (Actes 1,14). Jacques, le frère de Jésus apparaît comme le meilleur candidat, car c'est est lui qui prend la direction des disciples de Jésus. Et cela explique pourquoi la communauté johannique était proche des milieux juifs de Jérusalem avant la séparation entre 135 et 130. L'évangile (sans doute écrite à la fin du 1er siècle par divers auteurs dans une Église d'Asie, sans doute Éphèse, qu'on attribuera plus tard à Jean au IIe siècle) et les épîtres (dont Jean, «l'Ancien», peut-être l'auteur des 2e et 3e lettre de Jean, fut aussi identifié au 'disciple que Jésus aimait' par Eusèbe ou identifié à quelqu'un d'autre, et l'auteur du 1er épitre postérieur aux deux autres est inconnu) mis sous le nom de Jean permettent de reconnaître la mouvance johannique comme un courant particulier du christianisme qui a acquis son originalité théologique, marquée par l'hellénisme et sa propre organisation. À la fin du 1er siècle, elle se trouvait dispersée en Église locales, et sept d'entre elles furent les destinataires de l'Apocalypse johannique écrite à Patmos sous Domitien (81-96) par un Jean le visionnaire qui reprenait une expression répandue dans le judaïsme sur un contexte de conflits entre croyants et de condamnations à morts de quelques chrétiens en plusieurs endroits, et la communauté insistait sur l'unité mise à mal par l'autorité grandissante des successeurs de Pierre, mais préférèrent garder l'unité en se rattachant à Rome dans Jean 21.

 

Mais la Saint-Jean d'hiver garde certaines traditions comme les feux du solstice d'hiver, moins nombreux, sont devenus les feux de joie de la veille de Noël encore allumés dans certaines régions de France, mais dans d'autres c'est plutôt le 27 décembre que le 24. Le 11 janvier 2020, au cœur du village d'Harveng, en Belgique, a eu lieu la toute première édition des "Feux de la Saint-Jean d'Hiver". L'occasion était de célébrer ensemble le début de 2020, année anniversaire des 30 ans de l'ASBL. Au programme de cette première édition : danse contemporaine, atelier sonore et d'aquarelle, exposition de dessins, spectacle de gymnastique rythmique, percussions, marche aux flambeaux, DJ set; sans oublier, le feu, élément central autour duquel il était bon se retrouver. L'habitude est aussi de conserver un tison du feu de la Saint-Jean d'été pour allumer la bûche de la Saint-Jean d'hiver. La bûche de la Saint-Jean d'hiver ou de Noël est généralement coupée dans le tronc d'un arbre en été. La coutume consiste à laisser la bûche se consumer jusqu'à extinction pour bien marquer la fin du voyage.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Étienne Trocmé, Quatre évangiles, une seule foi, Les Bergers et les Mages, 2001, Armand Puig i Tàrrech, Jésus : Une biographie historique, Desclée de Brouwer, 2016, Marie-Françoise Baslez, Jésus : Dictionnaire historique des Évangiles, éd. Omnibus, 2017, et Comment les chrétiens sont devenus catholiques (Ier-Ve siècle), Tallandier, 2019, Enrico Norelli, La naissance du christianisme : comment tout a commencé, Gallimard, 2019,  Roselyne Dupont-Roc, et Antoine Guggenheim (dir.), Après Jésus : l'invention du christianisme, Albin Michel, 2020, http://festivalofthebonfires.org/history/, https://jamestabor.com/who-was-the-mysterious-disciple-whom-jesus-loved/, https://www.dhnet.be/regions/mons/les-feux-de-la-saint-jean-d-hiver-se-derouleront-a-harveng-5e0dd03f9978e272f98f832b, et https://www.vouneuil-sur-vienne.fr/index.php/histoire-patrimoine/141-coutumes-petites-histoires-legendes/280-fete-st-jean.

 

Merci et bonne Saint-Jean d'hiver !