Bernadette Soubirous, entre humilité et caractère bien trempé

Ce vendredi 18 février, c'est l'occasion de fêter la Sainte-Bernadette Soubirous, cette bergère de Lourdes qui, aurait vu à 14 ans, 18 fois la Vierge Marie en six mois.

Bernadette Soubirous (1844-1879) est la fille aînée d'une famille nombreuse (de neuf enfants, dont cinq meurent en bas âge) et pauvre, élevée dans la foi chrétienne, cette enfant de santé fragile après avoir survécu à une épidémie de choléra, elle a reçu une éducation très simple. Elle ne sait pas encore lire et écrire. Ses parents, François Soubirous (1807- 1871) et Louise Castérot (1825-1866), exploitent le moulin de Boly, mais le métier de meunier se précarise, et les Soubirous en viennent à connaître la misère entre 1856-1857, au moment où Bernadette est confié à sa tante Bernarde qui la prend comme petite servante dans son cabaret, à tel point qu'ils vont devoir vivre dans l'ancien cachot de Lourdes en 1857, désaffecté pour insalubrité. Elle est revenue à Lourdes strictement à la même époque où le pape a promulgué le dogme de l'Immaculée Conception. Tout ceci est bien sûr lié. Son père devenu journalier, souvent sans travail, avait été accusé de vol par l'un de ses anciens employeurs, et sa mère fait du ménage passant pour une ivrogne, ce qui explique que Bernadette vivra à plusieurs reprises à Bartrès, chez sa nourrice. Jusqu'en janvier 1858, où son père va la rechercher pour qu'elle prépare sa première communion, qu'elle désire intensément. Mais elle n'a pas la tête aux formules ni à ce qui s'enseigne à l'école aussi bien qu'au catéchisme. Elle suit enfin un temps d'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du français à l'hospice de Lourdes, ce qui permet de dire que Bernadette n'était pas aussi analphabète qu'on a pu le dire. C'est les intellectuels qui la méprisaient et la pensaient pauvre, ignorante, et simple.

Mais c'est à elle que, de février à juillet 1858, une Dame blanche apparaîtra 18 fois dans la grotte de Massabielle. Tout commence le 11 février, puis elle retourne à la grotte le 14, puis le 18 février, où 'aquero' ('Cela') lui demande de venir ici pendant quinze jours. Et du vendredi 19 février au jeudi 4 mars, elle voit l'apparition «tous les jours, sauf un lundi (22 février) et un vendredi (26 février)», qui demande de faire pénitence à partir du 24 février, puis le 27 et le 28, Bernadette fait des gestes de pénitence. Elles seront échelonnées dans le temps et seront interrompues de façon curieuse, comme au lendemain de son interrogatoire par le commissaire et le procureur lundi 22 février et un vendredi 26 février, où il n'y avait pas d'apparition pendant une semaine. Bernadette Soubirous reçoit aussi une double mission lors d'une autre apparition le 2 mars : "Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en procession et qu'on y bâtisse une chapelle." Une demande renouvelée le 3 mars. La foule grossit du fait que les premiers miracles se produisent, on dit qu'elle ne subit pas les brûlures de sa bougie le 7 avril et lorsqu'elle avance à genoux sur terrain rocailleux, il n'y a aucune égratignure, mais Bernadette dément cela, ou encore mieux puisqu'à la demande de sa «vision», et alors qu'une foule incroyable assiste à la scène, Bernadette met à jour une source d'eau, le 25 février, mais on la croit folle quand elle se macule de boue et mange de l'herbe, cependant le terrain étant déjà très humide, situé à proximité d'une rivière, qui passait même au pied de la grotte, et lorsque les eaux montaient la grotte était inondée, l'apparition d'une source n'a donc rien d'extraordinaire, puis miracle, l'utilisation de cette eau permet à Louis Bouriette que la rumeur a transformé en un aveugle incurable, de revoir à nouveau, mais cet ouvrier carrier, était seulement atteint d'un traumatisme de l'œil droit depuis vingt ans, à Catherine Latapie de recouvrer l'usage de sa main le 1er mars, alors que c'est seulement les deux derniers doigts de sa main droite qui restèrent pliés et paralysés, et à Blaisette Soupenne-Cazenave de recouvrer elle aussi la vue à la suite de l'application d'une lotion à l'eau de la grotte sans pur autant être aveugle. Cependant, une fois, Bernadette fut interrogée par un visiteur anglais sur certains miracles qui avaient été rapportés lors de sa dernière visite au sanctuaire. Elle a répondu : "Il n'y a pas de vérité dans tout cela." Interrogée sur les guérisons au sanctuaire, elle a répondu: «On m'a dit qu'il y avait eu des miracles, mais . . . Je ne les ai pas vus.» On passe alors de 100 personnes le 21 février on passe à 8 000 le 4 mars, à la fin de la quinzaine, où l'on attend un grand miracle. Rien ne se produit et on pense l'affaire finie. Les autorités de la ville empêchent à présent l'accès à la grotte. Elle sera interrogée plusieurs fois par la police mais ne variera jamais dans ses déclarations.

Bernadette Soubirous, entre humilité et caractère bien trempé

Rien ne sera alors facile pour cette jeune fille de 13 ans qui déclenche, par sa sincérité et sa détermination, l'incrédulité puisque dès le début des apparitions, elle commence à subir les moqueries et les brimades de ses camarades, des habitants de Lourdes et des religieuses qui commencent à l'instruire, et la polémique, surtout quand l'Église est un premier temps réticente avant de s'impliquer comme l'abbé Peyramale qui campera sur ses positions jusqu'au 25 mars qualifiant l'affaire de canular. Les contradicteurs se raréfient surtout quant la Dame se définit elle-même comme l'Immaculée Conception après que Bernadette se sent de nouveau attirée à la grotte le 25 mars 1858. Cependant, là encore on pense Bernadette sans instruction et peu au fait de la religion, mais le 4 mars 1855, l'encyclique de Pie IX instituant ce dogme fut promulguée dans le diocèse de Tarbes, et à cette occasion, il y eut de grandes festivités religieuses auxquelles les Soubirous participèrent, et Bernadette était chez ses parents, et elle n'eut pas besoin d'inventer ce nom puisque l'on avait placé entre elle et sa «vision» une belle statue de «l'Immaculée Conception». Ne se basant pas sur les Écritures, ce dogme restait «un peu bancal, un peu fragile». Autant dire que les apparitions de Soubirous tombaient à pic. En fait, elle a appelé la vision sous l'équivalent français local de "la dame" et l'identification de la figure avec la Vierge Marie a été faite par d'autres. Bernadette eut encore deux apparitions impromptues et silencieuses : le 7 avril et le 16 juillet. La dernière fut tellement discrète qu'elle faillit échapper à l'histoire. Après une épidémie de visionnaires (13 avril-9 juillet) à laquelle Bernadette resta tout à fait étrangère, l'évêque de Tarbes, Mgr Laurence, entame une enquête qui aboutit, le 18 janvier 1862, à la reconnaissance de l'apparition. Le jugement se fondait sur le témoignage de Bernadette, sur le mouvement de prière et de conversions et sur les miracles. Dans la masse confuse des guérisons dont on parlait, la commission épiscopale en sélectionna sept avec un sens clinique et critique très averti pour l'époque, mais pas actuellement. Pratiquement toutes les maladies supposées guéries en 1862 étaient celles qui étaient sensibles aux influences psychosomatiques et/ou étaient connues pour montrer des rémissions spontanées.

En 1859, grâce au curé de Lourdes l'abbé Peyramale, François Soubirous, peut louer le moulin gras. Puis le prêtre offrira aux Soubirous le Moulin Lacade qui appartient toujours à la famille. On l'appelle désormais le Moulin paternel. À partir de 1860, elle est à l'hospice des Sœurs de la charité de Nevers à Lourdes. Protégée des curieux, car en quelques mois, Bernadette Soubirous devient une célébrité internationale, puisque pèlerins, curieux et journalistes affluent dans cette bourgade, elle finalise donc son instruction, ses cahiers d'écolière en témoignent, et elle y forge sa vocation au contact des sœurs et des malades. Au départ, elle désirait une vie contemplative et souhaitait entrer au Carmel mais la règle y était trop dure pour sa santé fragile et elle ne voulait pas de dérogation. Le 4 avril 1864, elle a décidé d'entrer comme religieuse chez les Sœurs de la Charité de Nevers. C'est parce qu'elles ne sont pas venues la chercher comme d'autres congrégations ont tenté de le faire qu'elle a choisi de rester chez les Sœurs de la Charité de Nevers. Elle fut, après beaucoup de difficultés, notamment de santé, acceptée par les Sœurs de la charité et de l'instruction chrétienne de Nevers, qui l'avaient instruite. En 1866 Bernadette entra chez les Sœurs de la Charité de Nevers, où elle pouvait se consacrer à Dieu et aux plus petits, sans être cloîtrée et ne prendra l'habit définitif que le 30 octobre 1867, mais elle fut durement traitée par la supérieure, mère Vauzou, et la maîtresse des novices, qui lui confièrent malgré tout des responsabilités à Bernadette, aide-infirmière, puis responsable de l'infirmerie avant de ne plus la quitter, où elle soignait les sœurs, les orphelines, les soldats pendant la guerre contre la Prusse avec un mélange d'autorité et d'affection qui faisait merveille, avant d'être malade elle-même et elle mourut en 1879 après d'horribles souffrances. Le corps de Bernadette Soubirous a été retrouvé "dans un état de conservation extraordinaire" en 1925, car un procédé de conservation avait été appliqué juste après son décès. Elle fut canonisée en 1933, non pour avoir été favorisée par les apparitions, mais pour la manière dont elle y a répondu. 150 ans plus tard, Lourdes, sa grotte, sa source, son sanctuaire, attirent toujours des millions de pèlerins venus du monde entier chercher la guérison parfois du corps et toujours celle de l'âme.

Finalement, en dehors de son image de jeune femme fragile, timide et malade, ce que l'on peut garder de Bernadette, c'est une femme gaie, espiègle, au caractère bien trempé, sûre d'elle, entêtée, et intelligente, car la pauvreté ne veut pas dire qu'on ignore des choses. Elle a menée une vie droite et sans hypocrisie qui en fait une personne remarquable.