Les guerres d'Italie, ou comment la France a connu l'aventure itali...

Le 3 avril 1559, le traité du Cateau-Cambrésis met un terme à un demi-siècle de guerres d'Italie stériles et ruineuses. Les guerres d'Italie ont mises aux prise au cours de soixante années de conflits incessants entre France et Espagne opposant, de Milan à Naples, de Florence à Rome, Charles VIII, Louis XII puis François Ier, d'un côté, Ferdinand le Catholique puis Charles Quint, de l'autre.

La domination française du Royaume de Sicile au travers s'inscrit dès le XIe siècle : les dynasties de Normands établis dans l'île méditerranéenne vont trouver un relais dans la volonté capétienne de trouver de nouveaux débouchés à la conquête territoriale et dans la lutte contre les autres pouvoirs majeurs du continent européen. C'est ainsi que le tout nouveau comte de Provence, Charles d'Anjou, apparenté à la maison royale de France va étendre son domaine au royaume de Sicile (et qui comprend Naples et son domaine) avec l'aide de la Papauté qui trouve un allié de poids dans cette lutte sans fin dans la péninsule italienne entre Guelfes et Gibelins. La lutte d'influence entre grandes les grandes maisons européennes en Italie, une fois les Empereurs allemands évincés, continue entre les Valois et les descendants de la maison d'Aragon qui s'est emparé de Naples en 1442 au dépend de la dynastie des Angevins. La situation géopolitique complexe de la péninsule fait qu'il difficile de trouver un fil directeur dans la série de guerres qui alimente le Moyen-âge jusqu'au cœur de la Renaissance : la fragmentation du territoire en divers royaumes, cité-Etats, l'influence du pape et les soubresauts de l'Institution ecclésiastique (on pense notamment à l'intermède avignonnais avec jusqu'à trois papes coexistant en même temps), les alliances et retournements d'alliances de Charles VIII à François Ier sont en effet inextricables.

Les «guerres d'Italie», vont tout d'abord voir Charles VIII et Louis XII s'y illustrer, successivement. Charles VIII est le premier à tenter l'aventure, du fait que la richesse économique de la péninsule, l'éclat de sa civilisation expliquent les prétentions de Charles VIII, héritier de la Maison d'Anjou, sur le royaume de Naples, jadis possession des princes angevins, dont Louis XI, plus sage, n'avait eu garde de faire valoir ces droits : le 27 juillet 1494, à l'appel de Ludovic Sforza dit le More, hostile à la maison d'Aragon, et recevant le concours de la Florence de Savonarole, c'est une furieuse cavalcade à travers la péninsule italienne qui le mène à Naples le 22 février 1495 qu'il prend sans difficulté et où il est couronné roi le 12 mai, malheureusement il ne parvient pas à se maintenir en Italie, puisque les forces en présence, avec la trahison de Ludovic Sforza, papauté comprise, le contraignent à rentrer précipitamment en France au niveau diplomatique et il quitte Naples le 20 mai, malgré que Ludovic Sforza est chassé de Milan en 1495, et le fait que Charles VIII a forcé les troupes coalisées contre lui à se battre au débouche du défilé des Apennins, à Fornoue, le 5 juillet 1495, où la charge de cavalerie française finit glorieusement une expédition vaine. Louis XII son successeur ajoute ses revendications sur le Milanais, et lance plusieurs tentatives pour récupérer ce qu'il croit être son héritage, occupant Milan de 1499 à 1512, après une campagne de 7 mois en 1499 et 1500, et que les Suisses lui ont livré Ludovic Sforza, qui finit interné à Loches, où il mourut, mais là encore Louis XII échoue, vaincu par une coalition comprenant le Saint Empire, l'Espagne, l'Angleterre, Venise et les Suisses, tous rassemblés par le pape qui s'est retourné contre lui en formant une Sainte Ligue après qu'il l'ait aidé contre Venise en remportant la victoire d'Agnadel en mai 1509, meurtrière pour cette dernière, mais Louis XII ne peut se maintenir en Italie malgré la guerre de mouvement de son neveu Gaston de Foix, qui délivre Bologne le 5 février 1512, enlève Brescia le 19 février, menant à la victoire de Ravenne le 11 avril, après un beau mouvement de cavalerie, où ce dernier finit tué, par la suite les Suisses battent les Français à Novare dans le Milanais, et entrent en Bourgogne, et les Anglais débarquent à Calais, franchissent la Picardie et remportent avec les impériaux la bataille de Guinegate en août 1513, cela oblige Louis XII à signer une trêve, tandis que les ambitions de Louis XII sur le royaume de Naples sont mal jouées au niveau diplomatique, car divisé entre la France et l'Espagne suite au traité de Grenade en 1500, il finit par tomber entre les mains des Espagnols au dépend des Français.

Si les guerres de Charles VIII et Louis XII peuvent être considérées comme de simples confrontations liées à des problématiques liées à des successions, François Ier, le continuateur inscrit la lutte pour le nord de l'Italie dans la tentative de desserrer l'emprise de l'Empire habsbourgeois : cernés de tous les côté par les austro-espagnols, François Ier cherche la décision sur les champs de bataille du Piémont italien. Loin de correspondre à un mirage italien, les guerres d'Italie sous les règne du roi chevalier sur plusieurs théâtres d'opérations s'inscrivent dans un investissement de plus en plus lourd d'hommes et de ressources, qui agissent pour servir leur Prince tout en cherchant à défendre des intérêts individuels ou collectifs. Puis, après la gloire de Marignan en 1515, où il s'ouvre le passage des Alpes en écrasant les Suisses, François Ier à la tête d'une des meilleures armées de l'époque entre à Milan que lui a vendu Maximilien Sforza en échange d'une pension, le pape, l'Empereur, les Suisses paraissent alors s'incliner, mais la guerre reprend dans un conflit beaucoup plus vaste, celui qui oppose les Maisons de France et d'Autriche, après l'accession de Charles Quint à l'empire, et François Ier s'enlise dans une lutte d'égo avec Charles-Quint, et l'Italie ne constitue plus maintenant qu'un des théâtres d'opérations et la lutte se déroule également sur les frontières de la France du nord et de l'est, et dès 1523, les Français sont chassés du Milanais, et malgré un retour offensif, la défaite de Pavie (24 février 1525), où François Ier est prisonnier, marque la fin des aventures françaises transalpines après le désastreux traité de Madrid qui le libère, avec ses deux fils aînés, qui seront retenus quatre ans dans les geôles de l'empereur. Parmi les conséquences, les guerres d'Italie amène l'ouverture de relations diplomatiques avec l'Islam. François Ier voulait voir en Charles-Quint un ennemi plus dangereux que Soliman II, et aussi, l'ambigüité des rois de France à l'encontre des Juifs, tantôt chassés, tantôt protégés, et des réformés avec lesquels les rois font alliance contre l'empereur, tout en s'assurant la neutralité de l'Angleterre, et des alliés dans la Péninsule. Le pape Clément VII paya son soutien à la France avec le sac de Rome en 1527. Malgré que François Ier poursuit ses campagnes d'Italie par la voie diplomatique, recevant même Charles Quint à Paris (après avoir épousé sa sœur). Rien n'y fait et le Milanais restera hors d'atteinte de son ambition.

Au milieu du XVIe siècle, Henri II qui après la rupture de cette trêve, persiste dans les tentatives de se maintenir dans le Milanais, et tenta en 1552 de profiter de l'affaire de Sienne, la ville a chassé la garnison espagnole et a demandé l'aide de la France, qui aboutit à la guerre de Sienne qui dura 3 ans, et vit les troupes françaises opérer en Toscane, et Monluc défend la place, mais la guerre tourna à l'avantage de l'Espagne, Monluc dut capituler après une résistance héroïque en 1555 et la ville de Sienne est livrée à la domination florentine, et le nouveau conflit dans le royaume de Naples, où Henri II, le pape et les Espagnols sont dans une triangulaire, qui voit la guerre se ramener dans le nord de la France tenu en partie par les Espagnols, et qui voit la défaite française à Saint-Quentin, mais Henri II et les belligérants souhaitent la paix face aux progrès du protestantisme. C'est pour cela qu'Henri II se retirera ensuite habillement la France d'un imbroglio qui, au gré des renversements d'alliances, voit s'affronter royaumes, principautés et Républiques d'Italie, sans oublier la papauté. Signée le 3 avril 1559, la paix du Cateau-Cambrésis scelle la fin des guerres d'Italie. Le dénouement de cette lutte pour l'hégémonie en Europe entre Habsbourg et Valois, dont la domination de la Péninsule est la clé, constitue une énigme. Après avoir été en mesure de prendre une revanche historique, le roi de France accepte un traité particulièrement défavorable. Si les troubles religieux ont rendu cet accord durable, ils n'en sont pas la cause, même si Henri II l'a proclamé pour couvrir l'abandon de nombre de conquêtes. Au terme de débats discontinus et d'une décennie de combats militaires, diplomatiques, financiers et symboliques, le roi d'Espagne remporte finalement l'avantage, surpassant son adversaire en réputation. Les deux Grands du XVIe siècle n'en ont pas moins traité d'égal à égal. Établissant un rapport de force équilibré, même s'il est voué à évoluer, l'accord se fonde sur des concessions propres à réconcilier les princes et conformes aux principes de la justice : il semble éteindre tout litige. Par son caractère exemplaire, il révèle les conditions et les règles d'une négociation internationale comme la permanence d'un imaginaire chrétien de la paix. Ainsi la paix assure à Henri II les frontières du Nord et de l'Est mais le fait renoncer à l'Italie.

Même si l'aventure italienne se solde donc par un échec complet sur le plan diplomatique et militaire. Elle a contribué cependant à provoquer l'éclosion de la Renaissance en France puisque la vie en France, celle des arts et des mentalités, ressort bouleversée de ces expéditions. Dans un premier temps, l'italianisation touche l'ornementation des façades, tandis que les volumes restent gothiques. Puis, après 1540, cette Renaissance créée ses propres canons, et le génie national pose son empreinte originale sur l'histoire du style.

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Jean-Pierre-Bois, Les Guerres en Europe, 1494-1792, Belin, 1993, Catherine Brice, Histoire de l'Italie, Perrin, 2003, Jean-Claude Zancarini, et Jean-Louis Fournel, Les guerres d'Italie. Les batailles pour l'Europe (1494-1559), Gallimard, 2003, et https://culture-tops.ouest-france.fr/livres/une-autre-histoire-de-la-renaissance-3337/, Jacques Heers, L'histoire oubliée des guerres d'Italie, Via Romana, 2009, et https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/58615, Bertrand Haan, Une paix pour l'éternité: la négociation du traité du Cateau-Cambrésis, Casa de Velázquez, 2010, Julien Guinand, La guerre du roi aux portes de l'Italie: 1515-1559, Presses Universitaires de Rennes, 2020, https://musee-renaissance.fr/les-guerres-ditalie, et https://www.lepoint.fr/histoire/les-guerres-d-italie-1494-1559-20-07-2013-1706651_1615.php.

Merci !