La fête des Rameaux, une célébration ancienne ayant pour origine le parcours de Jésus

En cette semaine sainte, je vais vous parler de comment les chrétiens célébraient la fête de Pâques et comment étaient les pèlerinages de la Passion du Christ à Jérusalem, tout en me permettant de ce parler de la carrière de Jésus qui l'a mené vers ce moment fatidique.

 

Égérie qui a fait un pèlerinage en Terre sainte entre 381 et 383 nous raconte à quoi ressemblait la procession des Rameaux à la fin du IVe siècle, à Jérusalem et dans ses environs, puisqu'elle commençait dans l'église dite Eleona du mont des Oliviers. Comme aujourd'hui, la procession quitte Betphagé et atteint l'église de Sainte-Anne. Et  «Quand commence la onzième heure (cinq heures de l'après-midi), le texte de l'évangile est lu où les enfants, avec des branches et des palmes, sont sortis à la rencontre du Seigneur, en disant : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ". Et aussitôt l'évêque et tout le peuple se lèvent; du sommet du mont des Oliviers, vous pouvez marcher jusqu'au bout. Tous les gens vont devant lui en chantant des hymnes et des hymnes, répondant toujours : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." Et tous les enfants de ces lieux, même ceux qui ne peuvent marcher à pied, parce qu'ils sont encore trop jeunes et que leurs parents les portent autour du cou, ils portent tous des branches, les unes de palmiers, les autres d'oliviers; et ainsi l'évêque est pris de la même manière que le Seigneur a ensuite été pris. Du haut de la colline à la ville, et d'ici à "l'Anastasis" dans toute la ville, tout le monde va à pie; (...) ça s'en va petit à petit» (Itinéraire 31, 2-4 ; pp. 283-285). On mettait particulièrement l'accent sur la participation des enfants, même les plus petits. On chante aussi dans la liturgie actuelle des antiennes avec les mêmes accents pendant la procession : «Les enfants hébreux, portant des rameaux d'olivier, sont sortis à la rencontre du Seigneur en acclamant : Hosanna au ciel ! «Hosanna au Fils de David, béni est celui qui vient au nom du Seigneur !», Psaume 23 : "Portes ! Levez les linteaux, le Roi de gloire va entrer !", Psaume 46 : «Tous les peuples, battez des mains, accueillez Dieu avec des cris de joie !,  Criez Hosanna et devenez comme les enfants hébreux quand le Rédempteur passera ! Gloire et honneur à celui qui vient au nom du Seigneur !» "Comme Jérusalem dans son habit de fête, vêtue de palmiers, couronnée d'oliviers, la chrétienté vient en pèlerinage inaugurer Pâques avec des hymnes de joie" (Liturgie des Rameaux). Avec les services du dimanche des Rameaux, la Semaine Sainte a commencé (p. 129). Égérie souligne que le texte de l'Évangile est lu là où les enfants avec des branches et des palmes sont sortis pour rencontrer le Seigneur. Ils sont entrés dans la ville par la porte dite des moutons, où une basilique appelée l'église des moutons a été construite au Ve siècle (p. 381). Égérie a écrit que l'évêque était porté de la même manière que le Seigneur était porté, c'est-à-dire monté sur un humble cheval, conformément à la simplicité évangélique de l'entrée de Jésus à Jérusalem, qui est messianique mais d'une manière différente des Juifs l'avaient compris. La célébration est une mémoire avec des aspects dramatiques qui la rendent plus éloquente.

 

Le dimanche des Rameaux prend pour base la longue activité prophétique et messianique de Jésus entre 27 et 29.  Jésus avait rejoint le mouvement de Jean-Baptiste en l'an 27. Jésus est attiré par le contenu de la prédication du Baptiste, est baptisé par lui et accepte ainsi pleinement ses vues. Jésus assume son baptême. Qu'il ait été disciple du Baptiste est révélé ci-dessous la nouvelle de la permanence de Jésus dans le désert. Ainsi, dans ce premier projet, Jésus accepte la théologie de Jean, qui à son tour faisait partie de l'intrigue de l'espérance eschatologique du judaïsme de l'époque, à savoir : le jugement divin final approche et le peuple élu est sur le chemin de la perdition. Il semble qu'il soit devenu le collaborateur de Jean, son associé, sa main droite ou son protégé, travaillant lui aussi comme son collaborateur. Après l'arrestation de Jean-Baptiste en 28 par Hérode Antipas qui craint l'expansion de son mouvement et prend prétexte des ses critiques envers sa maîtresse Hérodiade, Jésus a commencé une mission indépendante avec de nouvelles idées plus raffinées sur ce que serait le royaume de Dieu. Son ministère, qui débute au moment où il quitte le cercle du Baptiste amenant avec lui plusieurs disciples de Jean qui vinrent le trouver par mi eux André et Simon, auquel Jésus donnera le surnom de «Pierre». Le succès de sa prédication en Galilée fut sans doute considérable. Il commença son activité à Cana (Jean 2,12), où sa famille est ancrée, et il y changea l'eau en vin à une noce à laquelle il assiste avec ses disciples, Naïn (Luc 7,11-17), où il ressuscita le fils unique d'une veuve, et Nazareth (Marc 6,1-6, Matthieu 13,53-58 et Luc 4,16-30), où une cabale contre sa famille le chassa, mais le centre géographique de la prédication devint rapidement Capharnaüm (Paule au Ve siècle se rendit à Cana et Capharnaüm connaissent les signes opérés par lui). Le renouveau du peuple aurait un caractère global, établissant un mode de vie pour le peuple selon la volonté de Dieu manifestée dans la Loi. À titre d'exemple, la nouvelle "famille spirituelle" a été établie, celle qui a écouté la volonté divine en Jésus,  parmi lesquels on retrouve ses frères en association avec lui comme le montre l'évangile de Jean, et des femmes disciples, parmi lesquelles ses sœurs et sa mère, Marie, la mère de Jacques et Jean, Salomé, et d'autres femmes dont Marie de Magdala, contribuant à l'entretient du groupe et posant des questions au maître. Les guérisons et les exorcismes de Jésus étaient le signe de la présence libératrice de Dieu. Autour de lui, il constitua un groupe de Douze qui symbolisait sa volonté de rassembler les douze tribus d'Israël, centré sur le groupe des principaux disciples que sont Pierre, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, mais d'autres disciples jouent un rôle majeur comme André et Philippe dans l'évangile de Jean. Ces hommes, avec d'autres disciples qu'il avait également appelés à le suivre et qui vivaient avec lui épisodiquement au cours de ses déplacements, furent associés à son œuvre de prédication à travers la Galilée. Ils étaient surtout galiléens, ils provenaient de tous les milieux sociaux. Ils étaient aussi profondément religieux. La mise en scène des tâches missionnaires ne se ferait plus dans le "désert", comme cela s'est produit avec le Baptiste, mais dans la terre israélite, et l'agent principal de cette proclamation était Jésus, sa réputation le précédait et attirait les foules, où il allait, et étira sa prédication dans le triangle côtier Capharnaüm-Bethsaïde- Chorazaïn pour arpenter toute la Galilée arrivant même dans la ville de Magadan (Magdala en grec) que cite Matthieu, un centre majeur du traitement du poisson, où se trouvait sa disciple Marie de Magdala (Paule au Ve siècle voit le lac de Tibériade sanctifié par ses voyages), et devant le succès de sa prédication, Jésus se permet d'envoyer 72 partisans dans chaque villes, où il a l'intention de se rendre, chargés de proclamer l'arrivée du Royaume de Dieu sauf aux Païens et aux Samaritains, de guérir les malades et d'expulser les démons, quand ils reviennent leur succès est tel que Jésus croit que l'avènement du Royaume de Dieu va avoir lieu, et prédit à ses émissaires qu'il voit 'Satan tomber du ciel', en gros la chute de l'empire romain. Sans doute ses réseaux ont déjà pris pied en Judée dès l'an 28, où il a rencontré un 'groupe familial' à Béthanie composé de deux sœurs Marthe et Marie, et de leur frère Lazare (Luc 10,38-52, Jean 11,1-44 et 12,1-11), chez qui Jésus avec ses disciples tenaient des repas rendant présent le banquet du futur Royaume de Dieu, et à Jérusalem lors de la Pâques de la même année, il guérit un paralytique à la piscine de Bethesda (L'Anonyme de Bordeaux en 333 fait savoir qu'il existait à des piscines jumelles avec cinq portiques que l'on nomme Bethsaïde (piscine de Bethesda). Ici, des personnes qui ont été malades durant un grand nombre d'années sont guéries. Les piscines contiennent de l'eau qui est rouge lorsqu'elle est troublée). Pour la Samarie, l'accueil est moins engageant puisqu'il est victime de l'inhospitalité des gens du pays (Jean 4,6-42), puis rencontre la samaritaine au puits de Sichem (Paule au Ve siècle elle entra dans l'église construite sur le flanc du mont Garizim autour du puits de Jacob; ce puits où Jésus était assis quand il avait faim et soif, il a été rafraîchi par la foi de la femme de Samarie. Abandonnant ses cinq maris auxquels sont destinés les cinq livres de Moïse, et ce sixième pas un mari dont elle se vantait, à savoir le faux docteur Dosithée, elle trouva le vrai Messie et le vrai Sauveur). Enfin, lors de la Pâques de l'an 29, où a lieu la multiplication des pains, Jésus refuse qu'on fasse de lui un roi, et voit une partie de ses disciples l'abandonner (Jean 6,1-15, Paule au Ve siècle vit le désert où d'innombrables Gentils se rassasiaient de quelques pains tandis que les 12 corbeilles des tribus d'Israël était rassasié des morceaux laissés par ceux qui avaient mangé comme le montrait Matthieu 14,13-21).

 

Mais l'exécution brutale de Jean le Baptiste au printemps 29 (Paule au Ve siècle aurait vu à Sébaste en Samarie le lieu où reposait Jean le Baptiste dont Jésus dit qu'il n'y a pas de plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes d'après Luc 7,28), emprisonné depuis plusieurs mois, lui prouva qu'Hérode Antipas n'hésiterait pas à le supprimer à son tour, s'il devenait une cause de trouble sur son territoire (Luc 13,31). Jésus se retira alors aux confins de la Galilée, dans une région désertique de l'autre côté du Jourdain. Jésus pouvait ainsi  réorganiser ses disciples et tenter un retour. Désormais, quelques disciples parmi ses proches lui restaient fidèles. À ce moment-là, Jésus traite Hérode Antipas de «renard» (Luc 13,32) et dit à ses disciples d'éviter le «levain d'Hérode» (Marc 8,15). Pour voir son influence entre avril et septembre 29, même s'il continue de se rendre en Galilée en évitant les villes (Marc 7 et 8), Jésus se rend vers le nord et dans certaines villes de la côte méditerranéenne, y compris Tyr et Sidon en Phénicie (Marc 7,31), où beaucoup de citoyens de ces villes étaient venu l'écouter en Galilée, et une syro-phénicienne lui fait changer son point de vue nationaliste suite à une excellente réponse pour guérir son fils. Et avant de retourner en Galilée, Jésus entra à Césarée de Philippe, et souhaita évaluer son ministère en posant la question de confiance. L'espérance messianique à cette époque était vive, mais elle était multiple : un nouveau David qui redonnerait son indépendance politique à Israël, un grand prêtre qui rétablirait le culte dans sa pureté primitive, un Être céleste, le Fils de l'homme, qui descendrait sur la terre pour restaurer toutes choses ? Loin de toute image fantasmagorique, Jésus annonçait la fin de l'état présent des choses et restait prudent même s'il pensait que le trône lui revenait, mais Pierre confessa qu'il pensait que Jésus était le Messie (Matthieu 16,18). Sans doute Pierre au nom des Douze témoigna-t-il surtout de sa foi en un homme en qui annonçait et réalisait la venue des derniers temps. La relation personnelle que Jésus exprimait par rapport au Dieu d'Israël joua certainement un rôle important dans cette confession de foi de Pierre. Jésus décida, et donc d'emmener les disciples à Jérusalem pour la Fête des Tentes, sur le chemin, il s'arrêta sur le mont Hermon dans la vallée de Jezréel, aux confins d'Israël, du Liban et de la Syrie, et emmena Pierre, Jacques et Jean avec lui, qui le virent rejoint par les prophètes Élie et Moïse, et Dieu dire qu'il est le Messie (Marc 9,3-7, et Paule au Ve siècle fit l'ascension du mont Thabor où on croyait à l'époque que Jésus fut transfiguré). Cet événement ressemble à une proclamation de couronnement qui ressemble à celle des couronnements sur la montagne dans les régions de l'est, et la déclaration de l'utilisation du tabernacle de Pierre a du sens avec du tabernacle dans les rites de couronnement, à cela s'ajoute l'annonce de Dieu prise sur le Psaume de couronnement (Psaume 2), qui était récité pour chaque rois juifs.

 

L'étape définitive aurait lieu à Jérusalem, où les institutions du peuple de l'Alliance seraient renouvelées et un nouveau temple surgirait, au grand plaisir de Dieu. Les ancêtres fidèles à la Loi seraient ressuscités pour participer aux joies de l'Israël renouvelé. Tous les peuples Gentils participeraient également au Royaume, puisque par la médiation d'Israël ils entreraient dans la structure du Royaume. La fin serait, comme dans le cas de Jean-Baptiste, le grand shalom définitif, dont le symbole est le banquet messianique. Le troisième projet de Jésus, le plus bref et le plus important, car ce dernier souhaite que l'avènement du Royaume doit être avancé en se concentrant sur Jérusalem. Ce n'était pas une fuite de Galilée, Jésus soutenu par sa famille, voulait passer une étape supplémentaire avec l'adhésion des autorités juives. Avant de se rendre à Jérusalem, il fit halte à Jéricho chez Zachée, un riche collecteur d'impôt. Une fois à Jérusalem, les signes qu'il accomplit, à savoir son entrée messianique montée sur un âne dans la ville pendant la fête de Sukkot (Marc 11,8-10), faisant un geste calqué sur l'entrée du préfet et ses cohortes à Jérusalem comme un contre-modèle, montrant qu'il instaurait un Royaume de paix, comparé à celui des Romains fondé sur la violence et l'injustice, rendu discrète par l'agitation des branches de palmier et l'accueil des pèlerins à coup de «Hosanna», ce qui fit que les troupes romaines ne firent pas attention (Paule au Ve siècle vit l'endroit où  Jésus fit son entrée messianique couverte selon Jérôme des vêtements des apôtres comme dans Matthieu 21,1-7, où on offrit le dos d'un âne pour qu'il s'assied dessus), et son action conséquente dans le Temple (Matthieu 21,12-13, Marc 11,15-19 Luc19,45-47, et  Jean 2,13-16) afin de le purifier les lieux après qu'il vit que le «marché de la viande» (Hanuth) avec ses bêtes de sacrifice dans une chambre de pierre de la place des vendeurs du mont des Oliviers fut transféré à l'intérieur afin que les grands-prêtres s'empare de l'argent offert aux prêtres pauvres, ce qui peut expliquer que les gardiens du Temple faisant partie de ceux-ci l'ont laissé chasser les marchands du Temple et empêcher de faire les sacrifices ((Marc 11,16), ne s'expliquent nullement par son intention de mourir. Ainsi, ce qui devait être tenté dans ce troisième projet était d'établir pleinement le royaume messianique - dont les idées de base étaient les mêmes que celles du deuxième projet - rayonnant du centre spirituel d'Israël, et non de la Galilée.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces articles qui m'ont beaucoup aidé : Anonyme de Bordeaux en 333, Voyage d'Égérie entre 381 et 383, https://slate.com/human-interest/2007/04/how-one-woman-impacted-the-holy-week-liturgies.html, et  http://www.archivalladolid.org/documento.php?Clave=201203AB, https://www.ccel.org/m/mcclure/etheria/etheria.htm, https://www.christianity.com/church/church-history/timeline/301-600/egerias-pilgrimage-blessed-the-ages-11629681.html, Lettre 108 de Saint Jérôme à Eustochie, vers le Ve siècle, Marie-Françoise Baslez, Bible et histoire, Fayard, 1998, et Jésus : dictionnaire historique des Évangiles,  éd. Omnibus, 2017, Senen Vidal, Los tres proyectos de Jesús y el cristianismo naciente, Ediciones Sígueme, 2003, et https://www.religiondigital.org/el_blog_de_antonio_pinero/proyectos-Jesus-cristianismo-naciente-Vidal_7_1101559858.html, Daniel T. Unterbrink, Judas the Galilean : The Flesh and Blood Jesus, iUniverse, 2004, José Antonio Pagola, Jésus – Approche historique, Cerf, 2012, Simon-Claude Mimouni, Jacques le Juste, frère de Jésus de Nazareth. Histoire de la communauté nazoréenne / chrétienne de Jérusalem du Ier au IVe siècle, Paris, Bayard, 2015, Armand Puig i Tàrrech, Jésus. Une biographie historique, Desclée de Brouwer, 2016, Les plus grands récits de la Bible, National Geographic, 2021, et https://theconversation.com/les-multiples-visages-de-jesus-de-nazareth-109471.

 

Merci et bon dimanche des rameaux !