Francisco Pizarro, le conquistador conquérant et pacificateur

Le 26 juin 1541, à Lima, au Pérou, le «conquistador» Francisco Pizarro est assassiné pendant son déjeuner par les amis de son ancien associé, Almagro, qu'il avait lui-même fait exécuter. Grande figure de la Conquête espagnole à l'instar de Cortés, Francisco Pizarro (1478 ?-1541) est entré dans l'Histoire tardivement, à presque cinquante ans, lorsque, avec ses frères, il découvre le Pérou et ses fabuleuses richesses.

 

Fils bâtard d'un hidalgo ayant épousé la carrière des armes et d'une servante, Pizarro grandit en Estrémadure dans un environnement misérable et demeura analphabète toute sa vie. L'homme de Trujillo était un authentique prototype de l'homme d'armes, un gentleman entre Moyen-Âge et modernité, incarnant mieux que quiconque le rôle d'un guerrier du XVIe siècle. À vingt-quatre ans, trépidant et ambitieux, il se laisse tenter en 1502 par les mirages de ce Nouveau Monde découvert quelque dix ans plus tôt. Il est recruté comme soldat de l'expédition dirigée par Nicolas de Ovando, gouverneur d'Hispaniola et des annexes cubaines. À Saint-Domingue, il participe sans doute aux campagnes de “pacification” contre les Indiens. En 1509, il est de l'expédition d'Alonso de Ojeda qui accoste dans le Golfe d'Urabà (actuelle Colombie). Francisco Pizarro commence à sortir de l'ombre : on le voit placé à la tête d'un fortin, assailli par les Indiens, puis au rang notable de lieutenant du fameux Vasco Nùñez de Balboa, dont l'expédition de 1513 à travers la cordillère du Darién débouche sur la “découverte” de la Mer du Sud (Pacifique). Les expéditions succèdent aux expéditions (1514-1522), toutes chargées de rapporter or et esclaves. Pizarro s'affirme alors comme l'un des hommes de confiance du gouverneur Pedrarias Dàvila. Il est membre de la petite aristocratie panaméenne; mais comme Nuestra Señora de la Asunciòn de Panamà (fondée en 1519) n'est pas Mexico..., il lui faut dépasser l'horizon panaméen. Le Nord étant déjà pris, il tourne ses regards vers le Sud.

 

Et après vingt ans passés à bourlinguer sur les marges de la vaste Amérique, la Fortune lui sourit : il commande sa propre expédition à destination du mythique Pérou. Désireux de faire ses propres découvertes, Pizarro a formé un partenariat avec son compagnon soldat Diego de Almagro. À trois reprises, il conduira ses hommes avec une volonté d'acier, sans faiblir, et la quête durera des années. La première expédition (1524-1525) est un échec; la seconde (1526-1528), durant laquelle il navigua avec Almagro et un prêtre, Hernando de Luque, pour des voyages de découverte et de conquête le long de la côte ouest de l'Amérique du Sud, se solde par une série de contacts avec des caciques indiens. De retour à Panamà, Pizarro, convaincu désormais que le Pérou et ses richesses prometteuses existent, doit penser à la conquête du territoire. La conquête étant du ressort de la Couronne et de ses représentants, Francisco Pizarro doit se rendre en Espagne, à Tolède où il obtient (1529) de Charles Quint les capitulaciones qui l'autorisent notamment à poursuivre la découverte et à entreprendre la conquête du Pérou sur un linéaire côtier de 1000km, depuis le rio Santiago (frontalier de la Colombie et de l'Équateur actuels) jusqu'à la région de Chincha (au sud de Lima), et lui octroient la possibilité d'affecter les Indiens en encomiendas. L'expédition, à laquelle participent entre autres Hernando et Gonzalo Pizarro, demi-frères de Francisco Pizarro, est successivement renforcée par l'arrivée de Sebastiàn de Benalcazar et de Hernando de Soto.

 

Lorsqu'enfin cet Eldorado tant rêvé deviendra réalité en 1532, Pizarro, en quelques mois, soumet dans le sang et dans l'horreur l'Empire inca en s'assurant l'alliance de Chilimasa, chef des Indiens de Tumbes, fondant la ville de Piura - qui lui sert de point d'appui à la pénétration en direction de la cordillère andine -, tout en profitant de la guerre civile qui ravage le pays entre les deux fils du précédent empereur Inca, Huayna Capac, mort en 1528 que sont Huascar, l'héritier légitime, et Atahualpa, le rebelle, font de ce dernier leur prisonnier à Cajamarca en novembre 1532 avantagés avec un armement composé de lombards, d'arquebuses, de chevaux ou d'épées, dénoncé par l'Inca Garcilaso - le célèbre écrivain péruvien d'origine inca et espagnole - considéré comme le premier à réconcilier ces deux ancêtres culturels-, qui a toujours pensé qu'une confrontation à armes égales aurait conduit à une fin très différente, puis il parcourt 1500 km avant d'atteindre Cuzco, le centre politique et religieux, où Huascar -bientôt assassiné- est assigné à résidence, puis exécute Atahualpa en juillet 1533 indiquant clairement à tous, et d'abord aux Indiens, que les Espagnols entendaient être les seuls maîtres du jeu, et construire un monde où seuls leurs intérêts seront pris en compte.

 

Reparti pour Jauja, dans la grande et riche vallée du Mantaro, Pizarro y installe sa capitale (1534), et fonde Lima, qui prend le relais, à partir de sa fondation officielle en 1535. Traitant directement avec Charles Quint, le bâtard est fait marquis et se retrouve à la tête d'un territoire immense qu'il domine sans partage avec ses quatre frères. Le problème de Diego de Almagro -arrivé au Pérou en 1533- qui devient adelantado des territoires de la Nouvelle-Tolède, au sud des territoires de Pizarro, se résout par un accord entre les deux hommes, au profit de Pizarro, qui clôt provisoirement la discussion. En 1535, voilà Pizarro est débarrassé de ses principaux rivaux : Almagro, parti à la conquête de la Nouvelle-Tolède, et De Soto, reparti, dépité, pour Cuba. Quant à la résistance indienne, privée de ses chefs (Challco Chima, puis Quizquiz), elle est réduite à peu de choses. Cependant en 1536, Cuzco est assiégée par les Indiens qui parviennent, très provisoirement toutefois, à s'emparer de la forteresse de Sacsayhuàman, qui domine la cité; les communications entre Cuzco et Lima sont coupées pendant des mois; et Lima elle-même est un temps menacée.

 

Almagro en profite pour revenir en 1537, bien décidé à récupérer ce qu'il estimait être son dû : Cuzco. Almagro et ses troupes parviennent à leurs fins. Quant à Manco Inca, il a réussi à échapper à la fois à Hernando Pizarro et à Almagro pour se réfugier dans la région de Vilcabamba – aux confins des Andes et de la forêt amazonienne- où il crée “une sorte d'État croupion incasique inexpugnable”. Mais, Mais la bataille des Salines du 6 avril 1538 (première de la longue série des “guerres civiles du Pérou”) voit la déroute des troupes almagristes. Almagro, accusé principalement de rébellion contre la Couronne, est exécuté le 8 juillet. Ainsi s'achève ce “règlement de comptes entre chefs de bandes.” La période 1538-1541 voit alors le règne sans partage du clan Pizarro, durant lequel les frères Pizarro lancent de nouvelles expéditions et les fondations de villes se poursuivent. Les almagristes se regroupent alors autour de la figure, inexpérimentée, du jeune Diego de Almagro (el Mozo), contre lequel les pizarristes multiplient les mesures de vexation. Les rivalités et les haines auront cependant raison de son astre sans précédent. Moins de dix ans après avoir posé le pied au Pérou, Pizarro meurt assassiné par les partisans de son associé, Diego de Almagro le 26 juin 1541.  Cet aventurier hors du commun, héros picaresque et tragique, témoin d'un âge d'or des conquistadors qui devait s'éteindre à sa mort, devant l'interventionnisme de plus en plus accru de la Couronne d'Espagne dans ses colonies.

 

En 1542, les Lois nouvelles édictées en Espagne (les encomiendas, souvent source unique de revenus pour les Espagnols, ne sont concédées qu'à titre viager...) ainsi que la nomination d'un vice-roi pour le Pérou constituent de sérieuses menaces pour le pouvoir des conquistadores. Après une résistance acharnée, Gonzalo Pizarro finit par être condamné à mort en 1548. Quant à Hernando Pizarro, il meurt en Estrémadure en 1578, après avoir connu la prison pendant plus de 20 ans.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Bernard Lavallé, Francisco Pizarro - Conquistador de l'extrême, Payot, 2004, et https://clio-cr.clionautes.org/francisco-pizarro-conquistador-de-lextreme.html, Esteban Mira Caballos, Francisco Pizarro : Una nueva visión de la conquista del Perú, Editorial Crítica, 2018, https://www.abc.es/cultura/cultural/abci-nueva-vision-conquista-peru-pizarro-heroe-improbable-201802160111_noticia.html?ref=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F, et https://www.larazon.es/cultura/libros/pizarro-la-leyenda-ya-no-es-negra-OK17595496/, et https://www.history.com/topics/exploration/francisco-pizarro.

 

Merci !