Le 4 septembre 476, la fin de la longue agonie de l'Empire Romain d...

Le 4 septembre 476 Odoacre, un prince barbare au service de l'armée d'Italie, s'empare du pouvoir à Rome et dépose le dernier empereur, le jeune Romulus Augustule. C'en est fini de l'Empire romain en Occident. Loin d'être un temps de décadence, les Ve et VIe siècles, qui voient la formation des royaumes ostrogoth, burgonde ou franc, sont ceux d'une renaissance après des décennies de coups d'État et d'incursions barbares. Entre 395 et 476, la romanité se survit, mais coupée en deux empires, et entre les deux les différences sont déjà très marquées. Globalement, le monde romain a encore une façade imposante. Certes, il est entouré de peuples barbares, mais il semble en voie de les phagocyter, en leur attribuant des terres, en les incorporant dans son armée, en leur confiant des postes dans la haute administration, au point que l'assimilation de ces étrangers entretient l'illusion de l'éternité du monde romain, rajeuni par ce sang neuf.

À la mort de Théodose, en 395, ses deux fils lui succèdent : Arcadius en Orient et Honorius en Occident. Cette date est considérée comme celle de la scission de l'empire en deux parties. Cette division ne remet cependant pas en cause l'unité profonde de l'empire. Elle est même renforcée au point de vue juridique par la promulgation en 438 du Code Théodosien, qui avait été compilé sur les ordres de Théodose II et promulgué par lui en Orient en 437. Cependant la bureaucratie, investie par les sénateurs, se paralyse. Entre 395 à 410, cette période fut suivi par le jeu politico-militaire de deux grands généraux romano-barbares, Stilicon, le maître de la milice d'origine vandale qui gouverne l'empire en Occident, choisi par Théodose lui-même pour épauler son fils, qui s'appuie sur d'importantes troupes fédérées ou mercenaires constituées de Goths, et Alaric qui lance d'importantes attaques des Goths contre l'Italie en 401 et 402, même si Stilichon remporte plusieurs victoires militaires contre Alaric, et l'emploie ensuite pour arrêter d'autres Goths qui se tournent également contre l'Italie, il doit aussi pour contrer ces attaques, il doit dégarnir la frontière rhénane, ce dont profitent les Vandales, les Suèves et les Alains en profitent pour la prendre d'assaut en 406 fuyant la poussée des Huns entre 405 et 406, cependant la mort de Stilichon dans un complot en 408 désorganise les défenses romaines et leur duel s'achève avec le sac de Rome en 410 par les Goths, car Alaric en 409 déposa l'usurpateur Priscus Attalus mais ne fut pas récompenser financièrement de ses services, cette destruction est d'un retentissement énorme car la ville n'a pas été prise depuis huit siècles. L'empereur Honorius entreprend ensuite une politique de restauration en Italie mais une reprise en main de l'administration s'ajoute à la question de la présence des barbares qui ont pénétré dans les provinces occidentales, dont le général Constance repousse les Goths installés en Gaule et le débarrasse de deux usurpateurs qui ont profité des désordres causés par les barbares pour prendre le pouvoir avec Constantin III qui débarque en effet depuis la Bretagne qui doit se défendre par elle-même en 410, où cependant, la garde romaine était tenace, pour prendre le contrôle de la Gaule en 407, et alors que celui-ci est éliminé en 411, c'est un certain Jovin qui prend le pouvoir en Gaule du Nord trouvant des soutiens chez certains des fédérés, les Burgondes et les Wisigoths menés par Athaulf, avant de se décider à traiter avec Honorius qui leur promet la conclusion d'un foedus avantageux, et ils se saisissent alors de Jovin qui est exécuté en 413, puis Athaulf épouse Gallia Placidia en 414 avant d'être repoussé en Espagne et assassiné en 415, cette dernière épousera Constance en 417 devenu Auguste en 421, et lui donnera un fils en 419, Valentinien III. Et en 418, des régions qui avaient échappé à l'empire, comme l'Armorique et la Bretagne, où Constance envoie des soldats dans le sud-est, y sont réintégrées, et il a su renforcer la ligne de défense sur le Rhin, mais il meurt en 421. Pendant ce temps, en 420, le "tyran" Maximus a pris le pouvoir en Espagne, et il n'a été maîtrisé qu'en 422. Un retour à la situation antérieure étant impossible, ces territoires entrent dans un processus de fragmentation qui aboutit à la disparition de la présence impériale en Occident à la fin du siècle, mais des hommes forts comme Constance essayent de freiner cette situation. À la mort d'Honorius en 423, le trône reste vacant pendant plusieurs mois... Si l'Orient romain préserve la paix avec la Perse et reste prospère (sauf dans les Balkans), en Occident, les guerres civiles romaines (423-433) entre l'usurpateur Jean et les soutiens du fils de Galla Placidia, Valentinien III, facilitant la progression des barbares et favorisent en particulier la conquête de l'Afrique par les Vandales, et oblige un puissant dirigeant breton Vortigern à engager des mercenaires Saxons en 428. L'empereur d'Orient Théodose II parvient à imposer ce dernier comme empereur d'Occident en 425.

Mais après 425, le général Aetius (surnommé ensuite «le dernier des Romains»), otage d'honneur chez les Wisigoths d'Alaric et chez les Huns de Ruga, oncle d'Attila, devient le patrice d'Occident, il détruit entre 435 et 433 le royaume burgonde à Worms, et arrive à contenir les Francs Saliens et Rhénans ainsi que les Wisigoths grâce aux Huns entre 437 et 439. De fait, Valentinien III après son mariage en 437, une voir une grande partie de l'autorité réelle tenir entre les mains du patricien et maître des soldats Aetius. Pour échapper à l'expansion des Huns à partir de 440, des migrations collectives de barbares s'opèrent comme le passage des Vandales qui semèrent la dévastation en Gaule et en Espagne avant de passer en Afrique en 429 battant le comte Boniface en 430, ce qui favorise l'expansion des Suèves en Espagne. Puis de 442 à 455, s'abattent les incursions d'Attila dont le but est d'amasser du butin qui a envahi à plusieurs reprises le territoire romain, assiégeant la ville de Naissus en 443, et alors que Constantinople elle-même étant menacée, les Romains ont accepté de payer une énorme indemnité, puis en 447, Attila rentra sur le territoire romain, affronta les Romains à la bataille des Utus en Bulgarie, puis les Huns ont assiégé Constantinople, mais n'ont pas pu prendre la ville, alors que les Francs Saliens divisés en chefferies tentent sans succès de s'étendre vers la Somme (448), et finalement en 451, après que les forces hunniques ont envahi l'Empire romain d'Occident, une armée dirigée par le général romain Aetius, bien aidé par les Wisigoths et les Francs Saliens, qui ne peut pas aider la Bretagne et répondre à son appel en 446 après que les Saxons révoltés contrôlent une partie du sud et de l'est du territoire à partir de 442, a poursuivi les envahisseurs, amenant les Huns au combat dans les Champs catalaunique et leur donnant un revers et l'aide de l'empereur d'Orient Marcien lui permet également de venir à bout de l'attaque d'Attila sur le nord de l'Italie l'année suivante, avant la mort de ce dernier en 453, mais Aetius est perçu comme une menace par l'entourage impérial, qui craint un coup d'État, puisque les administrations civile et militaire sont strictement séparées, l'empereur ne peut démettre ses chefs militaires, et inversement, donc la solution est alors l'assassinat, c'est ce que comprennent aussi bien Valentinien que les chefs militaires (dont Pétrone Maxime) qui l'entourent, et Valentinien III fait assassiner Aetius en 454, il ne lui survit pas longtemps puisqu'il est éliminé l'année suivante par Pétrone Maxime frustré de ne pas avoir pris le poste d'Aetius, ce dernier le remplace et envoya Avitus s'assurer de la loyauté des Wisigoths, cependant la femme de Valentinien III désirant se venger convoque le roi de Vandales Genséric, de peur Pétrone Maximus prend la fuite, mais il est assassiné par la foule, puis le sac de Rome est opéré par les Vandales en 455 qui dépouillèrent la ville de toutes ses richesses et emmena avec lui les filles et la femme de Valentinien et plusieurs milliers de captifs, et ils s'emparent définitivement de l'Afrique. Ce dont profitent les Francs rhénans et les Alamans qui progressent en Rhénanie. En Occident, le gouvernement impérial n'a plus les moyens nécessaires d'assurer la sécurité des provinciaux, et certains comme Marcellin en Dalmatie commande de fait leur région depuis 454. Seul le lien dynastique a permis la continuité du pouvoir.

Puis huit empereurs se succèdent de 455 à 476, commençant par Avitus qui se fait proclamer empereur la même année avec le soutien du roi des Wisigoth Théodoric II, mais le patrice Ricimer finit par diriger de fait l'Italie de 456 à 472 aidant Majorien dans sa rébellion contre Avitus, et les Suèves sont battus par les Wisigoths, toujours au service de Rome, en 456, et Ricimer remplace Avitus par Majorien en 457, Majorien est reconnu empereur par Constantinople, et avec le général Egidius, allié aux Francs Saliens de Childéric, qui après 457 s'installent dans l'Empire, avec pour capitale principale Cologne, il reprend le contrôle de la Gaule en 458 chassant les Wisigoths d'Arles qui revinrent à leur statut fédéré aidant Majorien à vaincre les Burgondes, puis va en Espagne préparer la guerre contre les Vandales. Les Vandales sont alors les principaux ennemis, mais l'expédition contre Genséric de 460, qui voient la flotte romaine rassemblée à Carthagène détruite, échoue et Genséric occupe ensuite les Baléares, la Sardaigne et la Corse, ce qui permet à Ricimer d'éliminer en 461 Majorien devenu un dangereux rival au profit de Libius Severus (Sévère), qui n'est reconnu ni par Constantinople, ni par Egidius en Gaule, laissant ses alliés prendre des territoires, puisque le roi burgonde Gondioc, beau-frère de Ricimer et maître de la milice des Gaules, contrôle Lyon et les Alpes, et en 462, Théodoric II, roi des Wisigoths, occupe la Narbonnaise et en 464, il ne laisse aux Suèves que le nord-ouest de l'Espagne, mais Egidius, appuyé par Childéric, roi des Francs Saliens, repousse les Wisigoths envoyés contre lui par Sévère, ce qui oblige Ricimer à l'assassiner en 464 qui le remplace par Arvandus, à la mort de Libius Severus en 465 sans doute empoisonné après avoir échoué à repousser les Vandales, Ricimer dirige de fait l'Italie, cependant l'empereur d'Orient, envoie en 467 un autre empereur nommé Anthemius, et celle de 468 qui rencontre quelques succès avec la flotte de Basiliscus et permet l'intervention de Marcellin de la Dalmatie qui s'empare de la Sardaigne et d'une partie de la Sicile, mais Marcellin se fit contrer par surprise et Basiliscus fut trahi par Aspar, ce qui permet à Genséric de s'emparer de la Sicile ce qui pousse Constantinople à signer la paix en 474, et Anthemius se retrouve affaibli. L'échec de l'expédition de 468 signifie que Constantinople ne peut plus aider l'empereur d'Occident, ce qui entraîne la fin de l'idée impériale en Occident.

Après 468, l'idée d'Empire n'est plus nécessaire en Occident, surtout quand Ricimer se débarrasse d'un important rival Marcellin, commandant la Dalmatie, alors que les Wisigoths contrôlent progressivement l'essentiel de l'Hispanie, que Rome perd définitivement après 468, puis en 469, les Wisigoths battent les fédérés Bretons commandés par Riothamus se trouvant dans les zones de résistance romano-celtique qui ont répliqué aux Saxons à partir de 450-460 avec des chefs énergiques comme Ambrosius Aurelianus qui se permettent de coloniser l'Armorique, et atteignent la Loire, mais le comte Paul ayant succédé à Arvandus en 468, les arrête, mais une nouvelle expédition envoyé par Anthémius contre les Wisigoths échoue en 471, et Syagrius, fils d'Egidius, dirige alors seul le nord de la Gaule après la mort du comte Paul en 472 et s'appuie ensuite sur les Wisigoths contre les Francs et s'installe à Soissons. Les Burgondes s'étendent dans la vallée du Rhône et dans les Alpes. Puis, Anthemius ne résiste pas aux attaques de Ricimer, qui fait le siège de Rome avec des troupes burgondes (le roi burgonde Gondioc est son beau-frère), qui est pillée une troisième fois, et reprend le pouvoir en 472. En 472, Ricimer proclame Olybrius, beau-frère de Genséric, empereur, et meurt peu après, ainsi qu'Olybrius. L'année suivante, c'est le roi des Burgondes Gondebaud qui nomme un nouvel empereur, Glycérius qui n'est pas reconnu en Orient, qui ne peut empêcher le roi des Wisigoths de s'étendre en Auvergne et voit Vicentius se faire tuer en Italie alors qu'il préparait une expédition contre ce dernier en 473. Ces hésitations permettent aux puis les Wisigoths d'occuper la Tarraconaise en 473. C'est alors l'anarchie en Italie et les royaumes barbares s'étendent. En Bretagne, les Saxons établissent des chefferies locales devenant des petits royaumes comme au Kent en 473, cependant les Romano-Bretons résistent à leur expansion. L'empereur d'Orient, Léon 1er, se décide à nommer un autre empereur, Julius Nepos qui chasse Glycerius en 474 qui devient évêque de Salone. Il nomma Ecdicius, le fils de l'empereur Avitus (455-456), comme son patricien et maître de milice, ce dernier combattit pendant un certain temps les Wisigoths. En 475, Nepos cède l'Auvergne aux Wisigoths qui l'occupent de fait depuis 474 et craignent une expédition impériale, et il remplace Ecdicius qu'il fait venir en Italie, par Oreste, et face aux attaques Vandales préfère négocier, reconnaissant la possession vandale de tous les territoires qu'ils occupaient en Afrique, en Sicile, en Sardaigne, en Corse et aux Baléares. Au nord des Alpes, après 470, la Pannonie est contrôlée par les Goths, la Rhétie seconde par les Alamans, le Norique ripuaire par les Ruges. En 475, le général Oreste proclame empereur son fils Romulus Auguste (dit Augustule), Nepos se replie en Dalmatie, et les Wisigoths occupent Marseille en 476. Un nombre symbolique de solidi a également été émis à Arles, attestant de la dernière emprise ténue que l'empire avait en Gaule. Quelques pièces d'argent ont été émises à Ravenne, mais aucune pièce de bronze de Romulus n'est connue.

Enfin le 4 septembre 476, le dernier des empereurs de Rome, Romulus Auguste connu sous le nom d'"Augustule", fut déposé par un général barbare Odoacre, le fils d'un des hommes de main d'Attila le Hun, après que les mercenaires germains, qui veulent des terres, l'élisent «roi des peuples» et tuent Oreste. «L'Empire occidental du peuple romain, qu'Octave Auguste avait commencé de détenir dans la 709e année de la fondation de Rome, périt avec cet Augustule, dans la 520e année du règne des empereurs défunts. Ensuite, les rois des Goths dirigèrent Rome.» Ainsi le chroniqueur Marcellinus, un haut fonctionnaire de Constantinople, relate-t-il la journée du 4 septembre 476 dans sa Chronique, composée en latin au VIe siècle. Avec les vêtements impériaux envoyés à Constantinople, le rideau est tombé sur l'empire romain en Europe occidentale, ses territoires divisés entre les royaumes successeurs construits autour de la main-d'œuvre militaire barbare. Ravenne devient la capitale d'un royaume qui renonce à administrer les provinces occidentales. L'Italie sans empereur est gouvernée par Odoacre (476-490), devenu patrice d'Italie avec l'accord de Constantinople. Il reconnaît Zénon comme seul empereur. Cependant, ce dernier considère Nepos comme l'Empereur Romain d'Occident, qui est maintenu comme figure de proue en Italie par Odoacre jusqu'à sa mort en Dalmatie en 480 assassiné, il n'y a plus d'empereur en Occident. S'appuyant sur le Sénat de Rome, il se permet de s'accorder avec Genséric sur la Sicile en 476, mais cède la Provence aux Wisigoths, et en 481, il occupe la Dalmatie qui relevait de Constantinople, puis il détruit le royaume des Ruges en 487-488, tout en faisant évacuer les Romains de Norique ripuiare. Théodoric le Grand envoyé par Constantinople en 489 s'établit en Italie après avoir vaincu Odoacre en 493. Il devient roi des Ostrogoths avec l'accord du Sénat, de son armée et de l'évêque de Rome. S'il s'octroie le droit de porter la pourpre, il n'est pas empereur pour autant. Le temps de la Rome impériale est définitivement consommé. Mais, si l'Empire romain était mort, les Romains dans une grande partie de l'ancien empire vivaient encore, conservant leurs terres, leurs valeurs et leurs institutions. La culture et les traditions héritées de l'Antiquité se sont donc prolongées bien au-delà de 476. Les barbares conquérants, répondant à la domination psychologique continue de Rome et à la valeur pratique de nombre de ses institutions, étaient prêts à rallumer la flamme impériale et à en profiter. Les royaumes puissants et proches de l'Empire romain d'Orient (Vandales, Ostrogoths) veulent éviter une guerre avec lui. Les petits royaumes (Burgondes, Francs) désirent se présenter comme alliés de l'Empire afin de garantir leur légitimité. Les alliances politiques et les questions religieuses (sauf les Francs, encore païens, les Germains sont des chrétiens homéens, alors que les populations majoritaires sont composées de Romains nicéens) créent après 493 un jeu diplomatique complexe entre Constantinople et trois grands royaumes romano-germaniques (Vandales, Ostrogoths, Wisigoths), rejoints après 507 par les Francs. Ceci définit un équilibre global entre 493 et 533, qui n'est remis en cause que par Justinien.