Les raisons d'arrivée de ces peuples ne sont pas seulement un éventuel appel de mercenaires et des possibles mouvements de piraterie, il y a d'autres raisons qui auraient pu provoquer un exode massif. Il y a sans doute des raisons locales propres aux migrants. Regardons cela de plus près.
L'instabilité et la pression ethniques devenues lancinantes dans l'arrière-pays; mais aussi une certaines surpopulation, décelable par l'archéologie, et peut-être devenue insupportable du fait de la surexploitation des sols (à l'intérieur des terres), surtout dans des plaines marécageuses aux sols pauvres, et de la menace des eaux (en bord de mer); surtout précisément dans les contrées les plus proches de la mer, les effets de la deuxième transgression dunkerquienne (dite romaine tardive), qui releva sensiblement le niveau de la mer entre le 3ème et le 6ème siècle, et qui put rendre insupportables les conditions de vie sur les terpen. On peut également y voir la pression la pression ethnique des Francs et des Varnes gardant des liens avec le continent.
On peut évoquer, parmi de nombreux autres sites (comme Flögeln à l'embouchure de la Weser ou Vorbasse dans le Jutland), deux exemples d'établissements, particulièrement bien fouillés, le premier en bord de mer et le second à l'intérieur des terres. La présentation de ces sites a été faite par J.N.L. Myres dans la deuxième édition de The English Settlements en 1989, dans un ouvrage dirigé par David Wilson, The Archeology of Anglo-Saxon England en 1976, et enfin par Martin Welch dans Anglo-Saxon England en 1992. C'est ce que nous devons voir maintenant :
- Feddersen Wierde, tout près de Bremherhaven, donc en milieu chauque et/ou saxon, qui a été fouillé par Werner Haarnagel de 1954 à 1963. Il s'agit d'un village sur butte, un terp donc, dont on peut suivre la croissance depuis son apparition au 1er siècle avant J.-C. jusqu'à son abandon définitif vers le milieu du 5ème siècle; ses fermes, toutes de bois (Hallenhäusen, ou bâtiments allongés, entourés de Grubenhäusen, ou petites cabanes excavées), étaient disposés de façon radicale à partir du sommet.
- Wijster, qui a été fouillé par Wim Van Es en 1967, se trouvait dans la Drenthe (Pays-Bas), donc dans une région plus abritée à l'intérieur des terres, située au contact des peuplements frisons et saxons; entre la fondation de l'établissement au 2ème siècle après J.-C. et son abandon, lui aussi définitif, vers 425, le nombre de ses structures (Hallenhäuser et Grubenhäusen) se sont multipliées, surtout dans la dernière période d'occupation. Cela suggère une surpopulation.
Les deux fouilles suggèrent donc une forte pression démographique aux 3ème-4ème siècles, et révèlent un abandon survenu (comme à Flögeln, où il fut aussi définitif, ou à Vorbasse, où il ne fut que temporaire) dans la première moitié du 5ème siècle. On peut supposer que les derniers occupants de ces sites participèrent de façon concertée à la grande migration vers l'Ouest, en particulier en Grande-Bretagne. Donc, il y a pu avoir un exode massif de villages entiers (dans 3 cas sur 4), et non pas seulement de guerriers, sans phase traumatique de communauté entière (femmes et enfants). Un poème anglo-saxon qui montre un époux contraint de partir pour peupler une terre ne serait qu'un souvenir lointain de ces migrations.
J'espère avoir été instructif, la prochaine fois nous verrons dans un autre article le Nord de l'Angleterre.
Merci !
Partage