
«Une enquête haletante de Philippe de Villiers livre des révélations sur le grand Mensonge qui préside à la construction européenne. C'est la fin d'un mythe. À la fin d'une conversation qui roulait sur la «construction européenne», l'ancien ministre des Affaires étrangères du général De Gaulle, qui savait tout sur tout le monde, laissa tomber d'un air entendu : «Philippe, il vous suffira de tirer sur le fil du Mensonge et tout viendra...» Des décennies plus tard, en y consacrant un temps discret et beaucoup d'ardeur, bénéficiant par ailleurs de complicités au plus haut niveau des arcanes de l'Europe, Philippe de Villiers décide de tirer sur le fil. Alors tout est venu. Il a mené ses recherches jusqu'au bout du monde, à Stanford, à Berlin, à Moscou et partout où pouvaient se trouver des documents confidentiels récemment déclassifiés. Et les archives ont parlé. Elles ont livré des secrets dérangeants. L'envers de l'Europe est apparu. Ce n'est pas du tout ce qu'on nous avait dit. De ce travail d'enquête, Philippe de Villiers a fait un livre de révélations sur le grand Mensonge. Il a résolu de publier les preuves. Elles sont accablantes. Tout y passe : les Mémoires apocryphes, les dollars, la CIA, les agents, le passé qu'on efface, les allégeances qu'on dissimule, les hautes trahisons. Le récit est parfois glaçant. Mené au rythme d'une enquête haletante, il se lit comme un polar. On n'en ressort pas indemne. C'est la fin d'un mythe : ils travaillaient pour d'autres et savaient ce qu'ils faisaient, ils voulaient une Europe sans corps, sans tête et sans racines. Elle est sous nos yeux.»
Le but de Philippe de Villiers n'est pas de faire de l'histoire, puisqu'il reprend les thèses de François Asselineau, d'Étienne Chouard et des sites complotistes. On retrouve des passages entiers recopiés d'autres historiens, comme Antonin Cohen, auteur en 2012 de De Vichy à la Communauté européenne (PUF). Fayard reprend le fil d'une théorie complotiste, déjà alimentée à l'époque de la guerre froide par les officines de Moscou. Laquelle attribue l'édification communautaire à l'unique volonté américaine de disposer d'un marché pour écouler ses surplus. Une thèse faisant le lit du conspirationnisme qu'il soit estampillé Asselineau ou Chouard. Pour étoffer sa version d'un monde sous emprise, le fondateur du Puy du Fou multiplie les confidences, pour certaines, bien sûr, invérifiables. Ainsi le récit qu'il livre de ce marchandage autour de la création de l'Europe lui aurait été suggéré par... Maurice Couve de Murville ! Suite à cette confidence faite en 1986 : «Ah l'Europe ! L'Europe des pères fondateurs ! Cher Philippe, si vous voulez savoir, il vous suffira de tirer le fil et tout viendra [...] le fil du mensonge.» Une anecdote dans laquelle le très schumanien Jean-Dominique Giuliani puise un peu de réconfort : «Je peux témoigner qu'arracher une confidence à Couve de Murville constitue en soi un exploit.»

Il n'est pas plus tendre avec les Pères fondateurs de l'Europe. Il avance que Robert Schuman avait soutenu les accords de Locarno, les accords de Munich, et qu'il avait été ministre du maréchal Pétain, avant de voter les pleins pouvoirs, et qu'il fut frappé “d'indignité nationale” en 1945. Il prétend aussi que «Monnet était un agent de la CIA» qui «travaillait pour le compte des Américains», et reçu de l'argent américain pour le Comité de l'Europe unie, des contreparties qui étaient des opérations d'influence au service des intérêts américains. Pour Walter Hallstein, l'architecte du traité de Rome, le premier président de la Commission européenne, l'ami de Monnet, c'était un officier instructeur en enseignement du nazisme et qu'il fut l'architecte de l'Europe unifiée avec Hitler. Derrière ces attaques, une thèse : l'UE est un projet de la CIA et la continuation de l'Europe hitlérienne.

Schuman ministre du maréchal Pétain ? Lorsque Pétain prend la tête du dernier gouvernement de la IIIe République du 16 juin au 10 juillet 1940, Robert Schuman garde en effet le poste de sous-secrétaire d'État aux Réfugiés qu'il occupait déjà. Mais, dès le vote des pleins pouvoirs à Pétain, auquel il participe et qui instaure le régime de Vichy, Schuman démissionne. L'indignité nationale dont il a été frappé en 1945, en raison du vote des pleins pouvoirs à Pétain, a immédiatement été levée par le général de Gaulle en personne. Walter Hallstein «juriste d'Hitler» ? C'est Complètement délirant. Ce professeur de droit, doyen de l'université de Rostock, a été en effet mobilisé comme officier de la Wehrmacht mais n'a jamais été membre du parti nazi. Il a en revanche appartenu à des associations de juristes professionnels, forcément contrôlées par les nazis dans le cadre de l'Etat totalitaire allemand. C'est justement parce qu'il n'était pas un nazi convaincu qu'il a bénéficié du soutien des Américains pour relancer la démocratie-chrétienne allemande. Il n'y a pas de tabou autour de lui, des biographies existent en Allemagne.
Á contrario, de Villiers ne dit rien des actuelles campagnes de fake news russe ou US bombardant l'UE. Pourtant s'il est une certitude la concernant, c'est bien la volonté commune du Kremlin ou de la Maison Blanche de la déstabiliser. Les historiens ont aussi tiré sur le fil du mensonge de cet ouvrage et la théorie complotiste infondée de Philippe de Villiers et venue.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures : http://www.leparisien.fr/politique/europe-deux-specialistes-denoncent-des-contre-verites-dans-le-livre-de-philippe-de-villiers-11-03-2019-8029098.php (Christian Lequesne, professeur à Sciences-po Paris, et Sylvain Schirmann, professeur à l'Institut d'études politiques de Strasbourg et spécialiste de la construction européenne), https://www.lepoint.fr/culture/le-livre-complotiste-et-plagiaire-de-philippe-de-villiers-sur-l-europe-06-03-2019-2298436_3.php, https://www.lepoint.fr/video/le-livre-complotiste-et-plagiaire-de-philippe-de-villiers-sur-l-europe-06-03-2019-2298606_738.php, et https://www.republicain-lorrain.fr/france-monde/2019/03/12/le-fil-du-mensonge.
Merci !
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