Marie-Thérèse a été considérée de son vivant comme "la mère de l'Autriche". Elle connut pourtant le règne le plus long et d'une énergie indomptable, elle ne parvient pas moins à s'imposer et règnera quarante ans sur la Bohême et la Hongrie, trente-cinq sur l'Autriche.

Marie-Thérèse accède au trône impérial à l'âge de 23 ans en 1740 en pleine guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), la plupart des souverains européens lui déniant le droit de succéder à son père Charles VI, et se retrouve seule contre tous pendant cette guerre man½uvrant intelligemment pour asseoir sa légitimité auprès des puissances étrangères et réussissant à faire valoir ses droits. Elle instaure une corégence avec son mari, François-Étienne. Cette forme de gouvernement lui permet de contrer les obstacles qu'elle rencontre à cause de son sexe : elle ne peut pas diriger l'armée et les grossesses risquent de l'éloigner de l'exercice du pouvoir. Elle se charge des relations diplomatiques; François-Étienne livre bataille et assure l'intérim. Elle essaie de ménager à la fois son trône et son époux qu'elle aime profondément. Marie-Thérèse le soutient en vain contre sa propre famille qui veut le déposséder du duché lorrain. Elle n'hésite pas aussi à s'appuyer sur ce dernier pour étendre son influence : le titre de Saint Empereur romain ne peut être attribué à une femme; Marie-Thérèse part en campagne pour faire élire son mari et garder le titre dans le giron des Habsbourg.



Á l'extérieur, son plus grand ennemi, Frédéric II, ravit la Silésie à l'Autriche en 1748 que Marie-Thérèse, malgré la guerre de Sept Ans (156-1763), ne parviendra jamais à récupérer. La défaite la rend plus autoritaire, elle se coupe de ses sujets et s'entoure d'un petit noyau de conseillers. Sa popularité décroît. Marie-Thérèse doit aussi affronter les premiers désaccords avec son mari, obstiné à récupérer le duché lorrain. La reine voudrait s'allier avec la France pour combattre Frédéric II; François-Étienne ne s'y résout pas. Face au désaccord, Marie-Thérèse joue les sentiments : elle supplie, pleure, se met en colère, menace d'entrer au couvent jusqu'à ce que le mari cède. Les concessions sont récompensées : François-Étienne est élu au titre de Saint Empereur romain à la mort de Charles VII en 1747. Marie-Thérèse y trouve un intérêt : les nouvelles responsabilités accaparent son mari, ce qui lui permet de régner librement sur les États dont elle a hérité.

Sur la fin de sa vie, Marie-Thérèse, irrémédiablement dépressive, se réfugie dans la religion et la bigoterie. Le fils héritier devient un despote. La mère déteste les valeurs qu'il incarne. Alors qu'il choisit la guerre pour conquérir la Bavière (1778-1779) et s'attire les foudres de Frédéric II, sa mère saborde l'initiative. Elle écrit une lettre à son ennemi historique pour le convaincre de ne pas mettre en péril la vie du fils chéri. Frédéric II renonce au combat, Joseph est humilié. Il se venge en se rendant auprès de Catherine II de Russie pour la convaincre de rompre son alliance avec Frédéric II. La mère est ulcérée de savoir son fils auprès de sa rivale. Ces perfidies sont vite oubliées au seuil de la mort de Marie-Thérèse : Joseph accourt à son chevet et la veille nuit et jour jusqu'à son trépas en 1780.
L'½uvre de cette grande réformatrice sera poursuivie par ses deux fils, Joseph II et Léopold II. C'est elle aussi qui inspira, après sa mort, les désirs de soumission de l'écrivain Leopold von Sacher-Masoch, pour qui le plaisir sexuel naît de l'humiliation infligée par des dominatrices... Marie-Thérèse en icône sado-maso ? Elle qui se donna tant de mal pour rester dans l'Histoire comme une épouse dévouée au duc de Lorraine serait marrie de la trivialité avec laquelle on revisite maintenant sa vie.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé : Jean-Paul Bled, Marie-Thérèse d'Autriche, Fayard, 2001, et https://www.lalibre.be/culture/livres-bd/marie-therese-roi-imperatrice-et-mere-51b87509e4b0de6db9a64719, Elisabeth Badinter, Le Pouvoir au féminin. Marie-Thérèse d'Autriche, 1717-1780, L'impératrice reine, Flammarion, 2016, https://www.lejdd.fr/Culture/Livres/Elisabeth-Badinter-analyse-le-destin-de-Marie-Therese-d-Autriche-822196, https://www.lexpress.fr/culture/livre/marie-therese-d-autriche-un-gout-prononce-pour-le-pouvoir_1851093.html, https://www.parismatch.com/Culture/Livres/Elisabeth-Badinter-salue-Marie-Therese-d-Autriche-1128023, et https://www.scienceshumaines.com/le-pouvoir-au-feminin_fr_37636.html, https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-24-novembre-2016, https://www.historia.fr/biographies-historiques/marie-th%C3%A9r%C3%A8se-dautriche-le-%C2%AB-seul-homme-de-la-dynastie-%C2%BB, et https://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2017/03/23/marie-therese-d-autriche-la-premiere-dame-de-fer_5099317_4497271.html.
Merci !
Partage